La gymnastique joyeuse
livre de Mme Montefiore (F. Nathan, éditeur)
Ecole Emancipée n°30 13 avril 1924
Rubrique : Vie pédagogique, Bibliographie


Puisque l’éducation physique organisée par l’administration militaire semble avoir fait faillite, c’est aux instituteurs eux-mêmes de se préoccuper de cette partie importante de leur enseignement.
Il ne faut pourtant pas nous exagérer cette importance, ni croire que quelques heures d’éducation physique par semaine puissent améliorer sensiblement la santé de nos enfants. Il en est de cet enseignement comme de l’ensemble de notre tâche : nous serons satisfaits si nous avons donné le goût de l’étude et du travail et si, dans la question plus spéciale qui nous occupe, nous avons orienté nos élèves vers la culture physique et les sports. Cette idée seule doit nous montrer la route à suivre : abandonner délibérément les pratiques monotones et oppressives de l’ancienne éducation et trouver une méthode mieux à la mesure des élèves.
Mme Montefiore pense ainsi ; aussi termine-t-elle son introduction par ces mots : « En résumé, le Maître aura remporté la victoire, assuré le succès de ses leçons et conquis des recrues fidèles à la culture physique, si l’élève, en rentrant chez lui, dit à ses parents : je mes suis bien amusé ; je veux faire de la gymnastique tous les jours. »
Mme Montefiore s’est attachée surtout à rendre attrayant l’effort demandé. Le chant et la mimique sont à la base de sa méthode. On trouve dans son livre une série de chants - avec musique - en général connus, mais dont l’auteur montre l’application originale aux mouvements divers. Les figures démonstratives qui décomposent ces mouvements et leur rythme, d’une façon claire et très précise, sont un guide précieux pour le moniteur.
L’auteur aurait cependant pu, à mon avis, faire quelques emprunts de plus à la Rythmique de Jacques Dalcroze. Je sais bien que cette rythmique demande un moniteur musicien et artiste et que le livre de Mme Montefiore est plus spécialement pour nos écoles. Il est bon, cependant, de faire un peu plus de marche rythmique avec changement de mesure, combinée à des mouvements asymétriques des bras et du corps. Pas assez non plus d’exercices d’inhibition : arrêts brusques de marche, pas en arrière, sauts, etc.
« La gymnastique joyeuse » est surtout un guide pour le moniteur inexpérimenté. J’en aime, en tout cas, l’esprit et je crois sincèrement qu’il peut rendre d’appréciables services aux nombreux maîtres qui, pratiquement, font disparaître de leur horaire les séances d’éducation physique, parce qu’ils ne savent pas comment s’y intéresser et y intéresser leurs élèves.
C. Freinet