Les examens
L’École Émancipée n°22, 24 février 1929
L’ÉCOLE À TRAVERS LE MONDE
S.CHATZKI


Les examens

Mon expérience au cours de quinze années est assez grande. En général, au point de vue pédagogique, je peux caractériser mon attitude vis-à-vis de l’examen comme purement négative. D’après les conditions dans lesquelles se passe l’examen et d’après les méthodes qu’on emploie, les résultats ne peuvent qu’être négatifs.

Aux examens nous apprécions plutôt les formules verbales que la compréhension de ce que les étudiants ont acquis.

Cette foi dans les formules verbales qu’on lie chez nous avec l’idée d’une pensée claire et d’une somme de connaissances dans telle ou telle branche, prouve que nous avons une fausse compréhension de ce que devrait être l’examen. En tout cas, l’appréciation des capacités de l’élève ou de l’étudiant d’après le nombre des réponses justes nous paraît en grande partie exagérée. D’abord l’examen se passe ordinairement dans une atmosphère qui n’est qu’un facteur négatif pour les réponses des étudiants.

Ordinairement l’aspect extérieur du candidat est déplorable. Son visage exprime la crainte et l’indécision. Rarement vous pouvez voir une figure tranquille. Si vous vous représentez que la durée de l’examen pour chaque étudiant n’est en moyenne que de 20 minutes et que la quantité de matière à examiner pour chaque branche est en moyenne de 600 pages, vous vous rendez compte que pendant ces 20 minutes l’étudiant ne peut répondre que sur une matière de 10 pages, c’est-à-dire sur un soixantième de la matière..Et sur ce 1/60 nous sommes obligés de juger des connaissances de l’élève à l’égard de toute matière. Par conséquent le hasard joue dans ce cas un grand rôle.

Les méthodes d’examen sont également différentes et dépendent du tempérament, du goût et de l’expérience du professeur examinateur. Mais, dans la plupart des cas, c’est la méthode d’après laquelle le professeur est obligé de surprendre l’étudiant et celui-ci de cacher son ignorance. Le Professeur attaque et l’étudiant se défend. Dans des conditions pareilles il est naturel que les résultats ne puissent être que subjectifs. Ainsi nous ne pouvons pas obtenir les résultats désirés, parce que l’examinateur n’a ni le temps ni les dispositions spéciales pour étudier ce côté de l’activité de l’étudiant qui est le plus précieux, savoir son intérêt pour l’étude scientifique, ses habitudes pour le travail méthodique et son pouvoir de compréhension, ni sur la manière dont l’étudiant pense se servir de ses connaissances pour sa future activité.

En fin de compte, nous obligeons la masse des étudiants à laisser de côté le travail le plus précieux et à donner une importance excessive à ce qui porte un caractère extérieur et formel.

Je trouve que le système d’examen est nuisible pour le candidat, mais il n’est pas moins nuisible pour le professeur. Il habitue celui-ci à considérer les étudiants du point de vue extérieur et à négliger les tâches beaucoup plus profondes qui sont : exciter l’intérêt pour les connaissances, apprendre à travailler, aider à choisir sa profession, orienter l’étudiant dans l’activité qui lui convient le mieux.

Si la question était ainsi posée, l’élève n’aurait pas besoin de cacher son ignorance, au contraire, il désirerait qu’on vérifie exactement son travail. Mais il est nécessaire pour cela que nous accordions dans nos jugements plus de prix à la qualité qu’à la quantité du travail.

S.CHATZKI
(Na Poutrah, n° 5, 1928)
(Service de la presse pédagogique de l’U.R.S.S., n° 23).
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