Avant le congrès de Marseille - Librairie et presse fédérales
L’École Émancipée n°40, 6 juillet 1930
Vie pédagogique
C. FREINET

LIBRAIRIE ET PRESSE FÉDÉRALES


Nous avons reçu du camarade Freinet la communication suivante :

L’imprimerie à l'école et 1’ « Ecole Emancipée »


Puisque les Bouët, après quelques attaques injustifiées contre notre activité, ouvrent la discussion sur les Editions Fédérales, nous croyons utile de verser au débat les documents suivants, qui permettront aux camarades de juger en connaissance de cause :

1° Au cours de l'année 1926-1927, je donnai à l’Ecole Emancipée les premiers articles de ce qui devait être mon livre : Plus de manuels scolaires. Je me proposais de donner intégralement à notre revue cette étude au fur et à mesure de sa mise au point. Rien ne fut publié. Il me resta comme seule ressource d'éditer le livre à mes frais.

2° Loin de vouloir faire de l’Imprimerie à l’école une entreprise particulière — et je sais qu'aucun de nos deux cents adhérents n'oserait lancer pareille accusation — j'ai, dès le début de notre expérience, jeté les bases coopératives de notre groupement, et, dédaignant tout profit, mis sans réserves mes efforts et mon travail au service de tous mes camarades.
J’aurais voulu les mettre également au seul service de la Fédération. Et je fis pour cela tout mon possible.
Lorsque, il y a exactement deux ans, il fut question de fusionner l’Imprimerie à l'école et la Cinémathèque coopérative, et fut décidé l’élargissement de mon modeste bulletin de 8 pages, j’adressai une lettre-circulaire aux responsables de la Fédération et de l’Ecole Emancipée. La Commission pédagogique venait de se créer. Constatant qu'il ne pouvait y avoir de travail sérieux sans organe publiant les recherches, les projets, les études ; que l’E.E. avec son nombre de pages pédagogiques excessivement réduit et ses nécessités rédactionnelles ne pouvait pas être cet organe, j’offrais de faire de notre revue transformée le bulletin officiel d’études de la Commission pédagogique fédérale, sous le seul contrôle effectif de la Fédération.
On me rétorqua avec véhémence qu’il n’y avait qu’une œuvre à développer, l’Ecole Emancipée, et que tous nos efforts devaient tendre à son seul développement.
Comme, d’autre part, l’Ecole Emancipée trouvait trop hardies nos innovations et qu’elle ne pouvait d'ailleurs, matériellement, accueillir nos travaux, force nous fut de créer, sous le contrôle de la coopérative, le bulletin actuel qui est resté jusqu'à ce jour pédotechnologique. (J’ai transmis régulièrement à l’Ecole Emancipée les articles que je recevais et qui ne correspondaient pas à notre programme de publications ; j’ai mis la rédaction de l’E.E. en relations avec les camarades que je croyais susceptibles d’aider à la rédaction de la partie scolaire).

3° II y a un an je lançai l’idée du Fichier scolaire coopératif. C'est encore aux dirigeants de la fédération et de l’E. E. que je réservai la première circulaire parlant de cette édition, et je leur en offrais la réalisation. On ne me répondit pas...
Je continuai cependant l’étude du projet. J'envoyai à ce sujet un article à l’Ecole Emancipée. Cet article fut refusé. « II fallait voir d'abord si cette réalisation était désirée par la masse des instituteurs ! ».
Devant ce coup de force je demandai à l’Ecole Emancipée des directives précises pour ma collaboration à la revue. On ne me répondit pas... je fus, donc, bon gré, mal gré, dans l'obligation de cesser cette collaboration.

4° Chargé par Monde d’alimenter la chronique de renseignement, j'ai toujours fait mon possible pour y servir la Fédération. Je n’ai absolument rien négocié qui puisse gêner la Fédération ni l’Ecole Emancipée. Et, quoi qu'en pense G. Bouët, le fait que j’aie publié des articles, amorcé une enquête, ne fait pas que ne reste intact le problème du journal d'enfants, ni entières les difficultés formidables de sa réalisation. (J’ai, de plus, pris l’engagement de verser à la Coopérative les honoraires qui me sont payés par Monde pour mes divers articles).

5° Je demande qu’on cesse d’opposer systématiquement Ecole Emancipée et Imprimerie à l’Ecole, comme si l’une ne pouvait pas vivre sans l’autre, si l’une devait tuer l'autre. Nous sommes toujours disposés à étudier, dans la limite des possibilités, une collaboration — que je persiste à croire heureuse — entre ces deux mouvements.

Je prie la rédaction d'insérer intégralement cette mise au point, sans chapeau ni soulier.

C. FREINET.