Seconds contacts avec Freinet
à la suite du « Premiers contacts avec Freinet de René Daniel (BAMF. 2)

12 mars 1921, nous n’étions pas nés. Mais notre vie commençait, réellement, profondément.
Et puis vint une autre guerre.
Alors, un jour que le monde était pauvre et noir, un jour où nous avions vingt ans et notre part de misères, une confidence, au cours d’une leçon à l’Ecole Normale, nous apprit qu’il y avait une école où un homme vivrait pour des enfants.
Ce dont nous rêvions.
Et nous avons écrit. Il a répondu et ses lettres chantent de ce soleil qu’il voulait si chaud à tous. Il y avait des questions techniques, c’est ce que nous cherchions, mais aussi des mots qui sont devenus nos mots et c’est ce que nous aimions.
Ainsi, sans le savoir, alors que vous, nos aînés, aviez vécu en ces premiers contacts la naissance de la Pédagogie Freinet et que vous tous, les Marguerite Bouscarrut, Odette et René Boyau, Raoul et Alberte Faure... nous avez adoptés et que vous tous, avec qui nous avons travaillé, nous avez aidés, nous revivions une renaissance étrangement semblable dans son dénuement dramatique.
Mais aussi extraordinairement riche dans son rayonnement.
Le soleil de Provence était resté le même et ses rayons aussi chauds malgré une tourmente renouvelée.
Les enfants étaient les mêmes et ce qui fut l’histoire de Freinet devient les moments de notre vie.
Des moments pour nous enfin changés. Et il nous aura, à nous aussi, fallu attendre presque toute une vie pour entrevoir enfin ce rayonnement entrant dans toutes les classes, pour aborder enfin et une fois de plus cette preuve toujours demandée qu’il a eu raison.
Raison ? Cela est prouvé depuis longtemps par cette vie qui sourd, inlassablement de toute notre pédagogie et c’est cela qui fut la découverte.
Depuis le 12 mars 1921, nous vivons une nouvelle vie, riche, belle, soucieuse, inquiète, laborieuse, mais sereine.
Des soucis ? non, le travail.
Des succès ? non, le devoir de s’accomplir dans le métier choisi.
Et nous sommes ainsi tant et tant. Et demain nous serons beaucoup plus encore à répondre, pour nos enfants, aux appels de notre grand camarade, de notre berger.
Les buts définis ne sont pas atteints et notre tâtonnement se poursuivra longtemps encore et, serions-nous arrivés, qu’il nous faudrait encore chercher.
Pour nos enfants, comme nos enfants.
Pour lui, comme lui.
H. et J. Salinier 33 - (Gironde)