À Marcel GOUZIL
Marcel, comme tu nous as quittés brusquement, ce dimanche du début de juillet dernier !

Au cours de notre amitié sans faille de plus de trente ans, confortée encore par l’alliance de nos enfants et la naissance de nos petites-filles, jamais tu ne m’aurais laissé exprimer l’affectueuse admiration que je te portais. La foule de tes amis, spontanément, y a souvent joint une grande reconnaissance.
Ici, Marcel, je voudrais témoigner.

Rassure-toi, j’entends faire court.

Il me faut dire qu’éducateur à la fois sensible – ô combien – et lucide dans ta riche curiosité, ton élan de militant t’a entraîné vers les activités généreuses de la pédagogie de progrès, celle de l’École Moderne avec Freinet, (qui te tenait en si bonne amitié, tout comme Elise), vers la coopération scolaire naturellement, vers l’action syndicale, vers les déshérités, les handicapés sociaux. N’est-ce pas, vous les anciens du Château d’Aux ? Souvent, tes pairs t’ont désigné pour les représenter au niveau des instances départementales, voire nationales, qu’il s’agisse du mouvement Freinet et de la coopération scolaire en particulier.

Toujours et partout, tes activités, appréciées comme authentiques, ont été servies par une personnalité profondément originale, d’une exemplaire solidité, d’une richesse de création, d’organisation, tout à fait exceptionnelles.

Organisateur de manifestations, de stages, de congrès départementaux, régionaux, nationaux et internationaux, tu as été un rassembleur de volontés que tu dynamisais en payant d’abord de ta personne.

Qui n’a conservé – parmi les participants – le souvenir éclatant du XIIIème Congrès de l’École Moderne de NANTES en 1957, suivi de notre expédition en Yougoslavie l’année suivante, celui des multiples stages « Freinet » au Château d’Aux depuis 1951 et des Congrès départementaux annuels des Petits Coopérateurs ?

Il suffisait que tu diriges – à ta façon – une manifestation, pour que le succès en soit assuré. Sans doute, seules Francine ta femme, et Claudine, ta fille, étaient en mesure d’apprécier l’énorme travail préliminaire personnel qu’avait exigé cette apparente souplesse élégante dans la réalisation.

Tu ne résumais pas là tes soins de rassemblement efficace.

Tes camarades de promotion n’ont jamais manqué de reconnaître en toi « l’Âme » de la « promo » depuis le temps déjà lointain de votre sortie de l’Ecole Normale de Savenay.

Grand travailleur, esprit curieux, chercheur obstiné, tu as abordé l’étude de certains chapitres de l’histoire sans craindre l’énormité des tâches de documentation. Mais tu n’aurais pu conserver seul les richesses que tu avais accumulées. Beaucoup peuvent se rappeler tes conférences sur la Yougoslavie, sur ta si chère « Commune de 1871 ». La suite des Brochures de Travail que tu as données à l’I.C.E.M. témoigne de la qualité pédagogique de tes efforts.

Rassembleur et créateur, tu l’as été pour la mise sur pied de l’indispensable association des Amis de Freinet. Elle compte les plus grands noms de la pédagogie et de la psychologie françaises et internationales, mêlés à ceux de bons camarades de l’I.C.E.M. et de la F.I.M.E.M. Il s’agit d’une association d’une importance considérable et d’un poids exceptionnels. Le mérite t’en revient complètement !

D’autres auraient été écrasés sous de telles charges. Tu les assumais, gaillardement, avec optimisme.

Il te revenait au surplus d’accueillir ceux qui, près de toi, cherchaient un secours moral. Ils trouvaient la résolution de la plupart de leurs problèmes en ta compagnie compréhensive. Ils trouvaient le calme.

Parmi tout cela, quelle place réservais-tu à ta famille ? La meilleur. Tu prenais, au sein de ton intimité familiale, la même dimension extraordinaire, aimante et aidante. Tu tenais une place énorme, celle de l’Homme solide sur qui il fait bon s’appuyer, de l’Homme d’expérience qui sait faire confiance à qui il aime, et dont il favorise l’épanouissement.

Fidèle aux tiens, fidèle à tes amis, fidèle à tes conceptions, courageux en toutes circonstances et d’une largeur d’esprit qui te permettait la discussion courtoise avec quiconque, tu as été, Marcel, un Homme de bonne volonté.

Il me fallait le dire. Pour ceux qui t’aiment, qui apprécient ton œuvre et conservent de toi l’image sincère de ce que tu as été, j’aurais dû être plus complet. Mais je t’avais promis de faire court.

Maurice PIGEON
4/9/73