II – MALGRÉ LA GUERRE, LES RÉPUBLICAINS ESPAGNOLS CONTINUENT LEUR ŒUVRE DE TRANSFORMATION DE L’ÉCOLE.

L’ÉCOLE
NOUVELLE
UNIFIÉE DE
CATALOGNE


EXTRAITS DE
L’ÉDUCATEUR PROLÉTARIEN
1er JANVIER – 15 JANVIER 1937
7 – 8
Éditions de l’Imprimerie à l’école Vence (A.-M.)


SYMBOLE
LIBÉRATEUR !
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Un symbole !

Au moment même où les avions de Franco bombardent les écoles madrilènes, tuant, mutilant, martyrisant des enfants, le peuple, soulevé unanimement contre la rébellion fasciste, installe dans les palais et les parcs des grandes masses d’écoliers dont il organise la vie et l’éducation.
Le peuple, passionné à secouer ses chaînes, a une conscience diffuse, mais sûre et inébranlable de son rôle historique. Il sent d’instinct que l’avenir lui appartient et c’est pourquoi, dans les instants tragiques où il est menacé d’anéantissement, il donne encore le meilleur de lui-même aux généreuses œuvres de vie dont il attend, pour demain, la réalisation de la société fraternelle qu’il rêve et qu’il entrevoit.
Et c’est un deuxième aspect, non négligeable, de l’héroïsme admirable du peuple espagnol, que, dans l’hallucinant spectacle du branle-bas guerrier, il poursuive, avec plus de vigueur et plus d’audace que jamais les besognes essentielles d’éducation nouvelle.
Nos camarades espagnols, nos camarades catalans plus spécialement, comprennent qu’ils sont là-bas à l’aurore d’un monde nouveau, et que ce monde nécessite d’autres hommes, l’affirmation de valeurs culturelles plus efficientes, des techniques mieux adaptées aux buts rationnels de l’école du peuple.
En pleine bataille, ils viennent de publier un document officiel qui est un acte de toute première valeur et que nous nous en voudrions de ne pas reproduire sinon intégralement, du moins dans ses chapitres essentiels.
On connaît l’effort et l’orientation de la pédagogie soviétique ; nous avons publié récemment les grandes lignes du nouveau PLAN D’ÉTUDES BELGE. Voici maintenant l’effort original de la pédagogie révolutionnaire catalane.
Lisez ce texte. Vous verrez à quel point il est directement inspiré de nos idées, dans quelle mesure l’école catalane s’efforce de marcher dans la voie que nous avons préparée et précisée. Et ce fait ne saurait nous étonner puisque nos adhérents de Catalogne, avec leur COOPÉRATIVE DE LA TECHNIQUE FREINET, et leur fondateur et dirigeant H. Almendros, aujourd’hui inspecteur-chef de la province de Barcelone, sont parmi les meilleurs ouvriers de la lutte libératrice catalane et espagnole.
Si nous faisons cette remarque, c’est plutôt pour marquer un point d’histoire que pour nous enorgueillir d’un triomphe qui n’est que partiellement notre œuvre. Nous sommes satisfaits au contraire de voir nos camarades garder en face des réalités cette attitude humble et loyale qui est la nôtre. Il s’agit moins de fixer « a priori » les lignes intangibles d’une méthode que de sentir, de comprendre, de préciser une orientation, de donner un sens humain à l’éducation, de mettre enfin au service de la rénovation scolaire tous les moyens nouveaux qui s’offrent ou que la lutte prolétarienne conquiert aujourd’hui par les souffrances et par le sang.
Conscients de notre rôle de lutteurs prolétariens, nous nous contentons d’assurer nos camarades espagnols de notre collaboration fraternelle et de notre plus vif désir d’aider passionnément à une expérience effective d’éducation nouvelle populaire, fondée puissamment dans les besoins du peuple, pour l’expression maximum des possibilités de ce peuple.
Nous nous en voudrions de laisser sous-entendre quelque opposition de quelque nature qu’elle soit entre l’évolution de la pédagogie soviétique et la nouvelle orientation espagnole et catalane.
L’U.R.S.S. a été, à sa naissance, victime de graves erreurs idéalistes dans le sens de cette éducation nouvelle bourgeoise que nous avons maintes fois dénoncée. Elle a dû, par ses propres moyens, à une échelle unique au monde, remonter un courant sans précédent et organiser au milieu des pires difficultés l’éducation du peuple.
L’Espagne trouve, idéologiquement et techniquement, le terrain quelque peu déblayé. Elle peut s’y engager sans risques graves. Et nous avons quelque fierté à sentir que, parmi les nombreux ouvriers qui ont contribué à déblayer ce terrain, les centaines d’adhérents de notre groupe, les réalisations de notre Coopérative de l’Enseignement ont, mondialement, une place d’honneur.
Cette reconnaissance indirecte est notre récompense, l’assurance que nous sommes dans la bonne voie et la réponse en même temps aux critiqueurs à courte vue qui ne comprenaient pas l’urgence révolutionnaire de notre tâche pédagogique.
Comme nos camarades espagnols, continuons donc notre lutte ardente sur les deux fronts : antifasciste et pédagogique. Et un jour prochain, peut-être, une collaboration complète et effective avec nos camarades espagnols triomphants nous permettra de réaliser plus pleinement encore nos buts d’éducation prolétarienne.

C. FREINET




Création du Conseil
de l’École Nouvelle
Unifiée
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La volonté révolutionnaire du peuple a supprimé l’école à tendance confessionnelle. Voici venue l’heure d’une école nouvelle inspirée par les principes rationnels du travail et de la fraternité humaine.
Il faut maintenant organiser cette nouvelle école unifiée qui doit non seulement se substituer au régime scolaire que le peuple vient d’abattre, mais créer surtout une vie scolaire animée du sentiment universel de solidarité et répondant aux nécessités de la société humaine d’où nous aurons éliminé tous les privilèges.
Sur la proposition du Conseiller de Culture et d’accord avec le Conseil exécutif, JE DÉCRÈTE :
ART. 1 – Est constitué le Comité de l’École Nouvelle Unifiée, qui aura pour but :

  1. Organiser dans les édifices aménagés par la Généralité le nouveau régime d’enseignement de l’École Nouvelle Unifiée qui se substituera à l’École à tendances confessionnelles ;
  2. Contrôler et régir ce nouveau régime d’enseignement en s’assurant qu’il répond bien, dans tous ses aspects, à l’ordre nouveau imposé par la volonté du peuple, c’est-à-dire qu’il est inspiré par les principes rationnels du travail et que tout ouvrier, selon ses aptitudes, doit pouvoir sans obstacle, et sans considération de privilèges, accéder de l’école primaire aux degrés divers d’enseignement et éventuellement jusqu’à l’université ouvrière et l’Université autonome de Barcelone.
  3. Ce comité interviendra dans la coordination des services d’enseignement de l’État, de la Municipalité de Barcelone et de la Généralité de Catalogne.
(Les articles suivants fixent la composition et le fonctionnement du dit Comité.)

Barcelone, le 27 juillet 1936.
Louis COMPANYS


PRÉAMBULE
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C’est l’avènement de la République qui marque un moment crucial dans l’histoire de Catalogne et dans l’histoire d’Espagne, non seulement dans l’ordre politique, social et économique, mais encore dans l’ordre éthique et culturel. Depuis lors, une nouvelle morale donne une forme substantielle à l’âme citadine et, en réveillant les énergies raciales, oriente l’éducation et l’enseignement dans un sens populaire. Comme conséquence de cette première révolution, les lois fondamentales de l’État se hâtent de regrouper les vieilles nécessités de liberté et de justice, en même temps qu’elles s’efforcent de transformer en directives et en préceptes les nouvelles aspirations de la classe prolétarienne, vers le savoir et la culture.

Ce formidable instrument de domination qu’est l’intelligence cessera d’être le seul patrimoine des familles aisées et recevra entre les mains des ouvriers cette sève nouvelle contenue dans l’impulsion d’une nature non encore corrompue par le luxe et l’oisiveté. La ploutocratie, par un égoïsme criminel et incompréhensible, a laissé dans l’ombre de l’ignorance et pendant plusieurs générations, un grand nombre d’intelligences, en les maintenant prisonnières de la violence et du fanatisme.

La constitution de la République Espagnole et le statut intérieur de la Catalogne, en consacrant les principes fondamentaux de la nouvelle pédagogie et de l’organisation moderne de l’enseignement, n’ont fait que consacrer les projets et les réalisations qui avaient pris naissance dans chaque individu et dans le domaine des communautés politiques et ouvrières. Ils établissent que l’enseignement se développera selon les principes de l’École Unique et que l’État, sans autre considération que l’aptitude et la vocation, facilitera aux plus déshérités l’accès à tous les degrés de l’enseignement.

Voyons aujourd’hui le nombre considérable « d’inadaptés » par suite d’une erreur d’idéologie, par un manque de cordialité ou par organisation sociale défectueuse.

Ces hommes ne sont pas, comme on l’a affirmé maintes fois, des résidus d’une société décadente ou des produits monstrueux de la nature humaine ; ce sont presque toujours des hommes déplacés, qui n’exercent pas dans le monde où ils vivent la fonction adéquate à leur tempérament et à leur caractère. De tels hommes doivent supporter le lourd fardeau d’un travail qu’ils ne dominent pas et dans leur âme couve l’amertume d’une injustice irréparable. Ce que la nature leur a prodigalement accordé, plus tard, la volonté malfaisante des hommes le leur conteste.

Déjà, le statut intérieur de la Catalogne signale les quatre idéaux de l’enseignement : travail, liberté, justice sociale et solidarité humaine. Travail qui est le qualificatif qui élève le plus un homme. Qui ne connaît pas les inquiétudes du travail, ne peut pas comprendre le sens de l’œuvre propre ni expérimenter la joie de la considération de son prochain. Par la nature, NOUS SOMMES, par le travail NOUS VALONS. Nous ne pouvons pas dire que les choses que nous trouvons ou que nous recevons gratuitement, nous appartiennent, mais seulement celles auxquelles nous associons notre âme par l’effort et la douleur, celles-là, nous pouvons dire qu’elles nous appartiennent en propre. C’est alors que la propriété a une signification élevée et spirituelle et non grossière et égoïste.

Un des attraits du travail nous est procuré par la liberté humaine et pour cela, la liberté est un autre des idéaux de la Nouvelle École.

La liberté est aussi vieille que le monde, mais sont aussi vieux que lui, la tyrannie et l’esclavage. Maintenant la liberté est de nouveau contestée ; on dit qu’elle subit une crise, comme si elle n’était plus à la mode. Pour la réincorporer dans la vie des peuples espagnols, nous sommes en train de soutenir une guerre. Et le monde entier contemple cette guerre, comme un fait d’intérêt universel, parce qu’elle se décidera un lutte d’idées, dont les défenseurs se trouvent au delà des frontières et sur toutes les frontières. Mission fondamentale, celle de l’École nouvelle, parce qu’elle saura restituer à l’homme l’attribut de la liberté qui le rend supérieur à la plante et à la bête.

Deux nouvelles valeurs de la vie moderne se sont ajoutées à ce mouvement de restauration scolaire. Sans elles, la culture manquerait de sens. Ces deux valeurs sont : la Justice sociale qui implique la réorganisation politique et la Solidarité humaine qui tend à assujettir les activités individuelles au bien-être collectif. Autour de ces nouveaux idéaux, la nouvelle pédagogie crée de véritables centres d’intérêt. Dans chaque conseil, dans chaque règle, dans chaque modèle et dans chaque exemple, l’enfant doit faire connaître sa valeur en pensant à l’autre enfant qui est son camarade, et non en exigeant pour lui quelque chose qui représenterait une diminution dans les droits et les facultés de l’autre. L’École Nouvelle veut donc dire École d’hommes qui travaillent, d’hommes libres, d’hommes justes, qui s’aiment et s’entraident comme des frères.

Cependant à l’énoncé de ces paroles, nous avons un doute. Ce sont en effet des paroles qui, en ce moment, peuvent sonner à nos oreilles comme une chose importune et même ironique. La vieille école, les vieux maîtres, les vieux livres n’ont pas pu éviter la guerre. Nous autres, nous le disons solennellement et nous acceptons toute la responsabilité que comporte cette affirmation : en édifiant la nouvelle culture, nous avons le ferme dessein de rendre les guerres odieuses et, par cela même, impossibles.

Cela, doivent le savoir, les partisans des systèmes pédagogiques périmés, ceux qui luttent contre nous pour des préjugés traditionnels, ceux qui regardent avec dédain notre œuvre, et considèrent vertigineux, son cours ; ceux qui, sous l’apparence d’une critique impartiale, cachent une neutralité suspecte… A tous, nous devons dire que l’École Nouvelle est non seulement une méthode qui recherche une application plus juste des procédés éducatifs, mais aussi qu’elle aspire à fondre en une unité solide et persistante la vie humaine qui est toute de variété, de mouvement et de rénovation des consciences. Voilà quel est le secret de l’École Nouvelle : Porter l’enfant depuis sa première initiation dans le monde de la culture, jusqu’à la pleine formation de son intelligence et de son caractère.

Le Décret de la Généralité qui a crée le Conseil de l’École Nouvelle Unifiée a donné la véritable interprétation au moment révolutionnaire que nous vivons. Dans la marche coordonnée de la coutume, de l’opinion et de la volonté sociale que modifie la loi, il y a eu, en interférence, la courant rénovateur des forces libératrices de l’heure actuelle. Qu’elles soient les bienvenues. Les aspirations d’aujourd’hui sont nos idéaux d’hier : qu’il n’y ait pas un seul enfant sans école, que l’école soit son second foyer et que l’ambiance de l’école soit saturée de liberté et de justice. Une seule humanité, une seule famille.

Afin de pouvoir réaliser cette œuvre, nous nous sommes unis les hommes de toutes les philosophies et de toutes les idéologies sociales. Nous avons la prétention de voir si la culture nous rapprochera tous. Nous avons rayé de nos programmes tout ce qui représente une opportunité ou possède un arrière goût matérialiste et nous ne voulons conserver que l’idéalité et le sens spirituel de la vie.

C’est parce que nous plaçons au-dessus de tout la dignité morale et la pureté de l’action, que nous pensons à un lendemain plus juste et plus humain et c’est pour cela que nous désirons créer une École nouvelle, au sein de laquelle le feu de la liberté et du Progrès ne s’éteindra jamais et dont l’enseignement qui en découlera saura étouffer dans l’âme de l’enfant les instincts ataviques de haine et de lutte, tout en réussissant à réveiller les inclinations qui prédisposent à la fraternité et à l’amour entre les hommes.

Ce désir n’est pas un rêve, mais une réalité et surtout un devoir qui n’est autre chose que la solidarité entre tous et pour tous.


PLAN GÉNÉRAL
D’ENSEIGNEMENT
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BASES FONDAMENTALES


Notre plan d’enseignement repose sur les trois bases suivantes :
1° L’enseignement commence aussitôt la naissance de l’enfant et sans solution de continuité, se poursuit jusqu’à la formation totale technique et spirituelle de l’homme.
2° La vie en commun des uns et des autres est obligatoire, sans distinction d’origine ni de but poursuivi (Groupes).
3° La sélection ultérieure se fera sur la base de facteurs nettement individuels (intelligence et volonté).
Ces trois principes nous paraissant fondamentaux, nous allons les détailler.
1° Si nous « commençons » l’enseignement à la naissance de l’enfant, nous rendons avec égalité la culture accessible à tout le monde : normaux et anormaux, bien doués et mal doués. Il n’y a pas de distinctions « aprioristiques » qui pourrait porter préjudice à la formation de l’enfant, non seulement du point de vue intellectuel, mais aussi des points de vue psychologique et social.
2° La vie en commun nous semble utile pour deux raisons bien distinctes : en premier lieu, parce qu’elle facilitera grandement la sélection, suivant les prédispositions personnelles de chacun, prémices d’aptitude. Ensuite parce que ne peut échapper à personne la répercussion sociale qu’aura cette homogénéité dès le début. Quand nous disons « vie en commun sans distinction d’origine », nous voulons dire, évidemment, que la situation sociale de l’enfant ne doit pas être la cause de son isolement. Aisés ou misérables doivent vivre en compagnie, avec les mêmes avantages culturels, sans autre différence que celle qui peut découler de leurs possibilités mentales et de leur volonté.

Même dans le cas d’une différence individuelle notable, il sera fait simplement une homogénéisation suivant les possibilités mentales et nous pourrons ainsi séparer des groupes scolaires différents dans un même cycle, en veillant cependant à ce qu’il n’y ait pas d’ordination numérique de groupes. Et encore cette séparation ne sera que foncièrement scolaire. Il existera d’autre part une vie en commun pour tout ce qui sera pré-scolaire et para-scolaire.

Quand nous écrivons « Vie en commun sans distinction de but final », nous voulons dire que doivent, coïncider (au moins dans les travaux mécaniques et les travaux manuels) les études d’élèves comportant des possibilités différentes. Il en sera ainsi, par exemple, des Universitaires et de ceux qui fréquenteront les Écoles techniques à tous leurs degrés. Cela, naturellement avec les restrictions que conseillent l’âge et la classification initiale de l’élève.

3° Finalement, il faudra un grand soin dans le choix des enfants bien doués. Tous sans distinction portent en naissant une hérédité. C’est ce patrimoine individuel qui devra décider, et lui seul. Ce choix ne devra avoir d’autre but que celui de dire : « A quoi servira tel ou tel enfant ». Tout le monde peut servir la communauté. Et si tout le monde sert bien et avec de la bonne volonté, cette sélection ne sera plus un choix, mais une distribution de capacités en accord avec les nécessités collectives.

Toutes les nécessités sont nobles et si l’on agit honnêtement, il faut avoir grand soin de faire la plus grande part à la volonté, comme facteur primordial de choix. Choisir uniquement un étudiant parce qu’il est intelligent, semble être une plus grosse faute que de le choisir parce qu’il est simplement doué de beaucoup de bonne volonté.


Détails du Plan d’Enseignement
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ÉCOLE – BERCEAU
(JUSQU'À TROIS ANS)


Pendant la durée de l’École-Berceau, nous estimons que l’on doit rendre à l’enfant, un triple service :

  1. sanitaire ; b) social ; c) pédagogique

Nos puéricultures devront porter toute leur attention sur les données statistiques de chaque enfant, spécialement aux points de vue hygiénique et anthropologique. Une ambiance sanitaire agrémentée d’un mobilier scolaire ne suffit pas, car dans ce cas, nous nous trouverions tout simplement en présence d’une garderie. On doit garder les enfants et faire mieux que de les garder. On doit les observer, on doit les éduquer, et cela dans le double sens de l’hygiène et de la société.
On doit les observer. On doit les observer d’une manière strictement réglementaire. On doit établir une fiche pour chaque enfant dans le cadre anthropologique et évolutif. Et cela, une fois la réglementation obtenue, est de réalisation simple et efficace. Simple parce qu’il s’agit de prendre des données, une fois par semaine, par mois ou par trimestre et que ces données sont simplement des mesures de diamètres (stature, diamètres encéphaliques, tour de tête, périmètre thoracique, etc…), mesures de poids (courbes des poids), lesquelles complétées avec les quatre règles de statistique, donnent des index d’évolution et des coefficients de croissance, très utiles du point de vue sanitaire et d’une forte répercussion sociale.
Ce choix doit être méthodique et régi par des règlements. Mais ce choix ne doit affecter en rien la liberté des enfants, car dans cette période, on doit agir de façon que leurs mouvements ou leurs gestes soient absolument spontanés.
C’est par l’observation de cette spontanéité que l’on tirera profit de la puériculture non seulement pour la fiche de l’enfant, mais encore pour la classification et l’éducation ultérieures.



ÉCOLE MATERNELLE
(DE TROIS A SIX ANS)
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Période des jeux et de l’air libre (plein-air). Les enfants ont une grande tendance à faire appel à leur imagination. Il faut que le maître soit prudent en évitant de l’exalter. Il faut même qu’il la laisse s’épanouir en toute liberté, pourvu que cette activité imaginative soit provoquée par des faits réels et concrets. Les jeux que l’enfant choisit sont suggérés par des choses qu’il connaît. Ces choses sont réelles ; ce sont celles que lui-même utilise ou qu’il voit utiliser aux autres. Pour cela, nous n’édifierons jamais le jeu sur des symboles, sous prétexte de donner aux jeux un ton plus spirituel. Dewey a dit que « jouer à la petite foire », « à la lavandière » ou à la cuisinière, n’est pas moins spirituel que de jouer « aux 5 cavaliers ».

Une tâche paraît prosaïque ou spirituelle selon la formation des grandes personnes, mais chez l’enfant les besognes utilitaires sont toujours entourées de mystères extraordinaires surtout lorsque ce sont les adultes qui les accomplissent. Cette atmosphère est un stimulant suffisant pour exalter l’imagination, jusqu’à idéaliser une réalité en apparence prosaïque.

C’est pour cette raison que le thème des jeux sera choisi par l’enfant lui-même ; ce sera là une garantie quant à leur caractère spécifique.

Les adultes, éducateurs, s’efforceront de ne pas surcharger ces jeux de symbolismes comme cela se produit dans les « kindergarten » allemands (jardin d’enfants) où ils ne servent qu’à divertir les parents en éveillant chez les enfants une imagination exagérée et maladive.

Quand l’enfant commence à marcher et à parler, son observation méthodique n’est plus déjà aussi facile. Il nous faut intensifier le respect de ses spontanéités, il faut nous préoccuper de créer une ambiance adéquate, il faut enregistrer les faits spontanés ou provoqués, parce que c’est grâce à eux que nous pourrons contribuer au volume pédagogique, surtout si ce sont des faits permettant que la liberté et l’activité de l’enfant soient portés insensiblement à un surpassement de son contenu instinctif.

La fiche que nous donnons comme type possède deux ou trois caractéristiques fondamentales.

1° Contrôle des enfants vaccinés et affligés de maladies incurables afin de pouvoir établir les séparations et isolements nécessaires en cas d’épidémies ;

2° Courbes de poids et index de rachitisme ;

3° Registre des antécédents génétiques afin de réduire les suspects des points de vue tuberculeux ou syphilitique.

Il vaut mieux utiliser l’inclination naturelle des enfants vers le renouveau et vers la vérité, chose qu’ils font d’ailleurs d’eux-mêmes, au bon moment.

Quand l’enfant modifie son affinité, c’est qu’il ne sait plus y trouver rien de nouveau. Il n’a plus rien à explorer, il abandonne.

L’exaltation de la fantaisie provoquée par des symbolismes inopportuns nous entraînera, par contre, vers d’autres résultats : l’enfant ne recherchera rien, parce que le thème qui lui est proposé ne l’intéresse pas. Et cela ne nous convient pas.

Dans notre école maternelle, nous comprenons que l’on doit prendre en considération l’enfant du point du vue pédagogique et conformément à une école active.

L’on obtiendra ce résultat, en laissant jouer l’enfant. S’il est entendu que l’on agit de telle sorte que l’impulsion initiale provienne de l’enfant lui-même, il faudra qu’au moment de notre intervention nous sachions le diriger vers un perfectionnement du jeu, qui lui permette d’atteindre un plan supérieur.


Orientation Générale
au Premier Degré
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La distribution des Écoles maternelles doit être en rapport avec la future réforme urbaine des grandes villes. Dans les agglomérations citadines actuelles, sans ordre ni harmonie, il n’est pas possible de projeter des installations convenables d’Écoles Maternelles. Dans la future distribution rationnelle de l’habitation, il faudra compter, comme on a fait dans d’autres villes d’Europe, avec la nécessité d’installer, non pas les constructions monumentales qui ne sont qu’une erreur pédagogique, mais des pavillons simples et pratiques, au milieu d’espaces verdoyants bien distribués. Il convient plutôt de s’attacher à l’espace destiné aux jeux et qui permet la vie en plein air qu’à la classe elle-même qui devrait être plutôt un refuge et un lieu de repos.
Dans les édifices destinés aux écoles rurales, un local des enfants et auquel nous faisons allusion ne doit pas manquer.
L’activité de l’élève, dans cette étape de la vie infantile doit être seulement contrôlée et à peine dirigée. L’enfant doit jouer et se mouvoir en tout liberté individuelle ou collective et il est nécessaire que l’on respecte sa façon spontanée de se grouper. L’enfant doit s’incorporer dans son milieu naturel, chose vers laquelle tend son entité biologique non encore bien différenciée. La vie en toute liberté dans le jardin, parmi la nature qui l’entoure, les plantes, les animaux (le spectacle de la reproduction et l’élevage des animaux domestiques ne doivent pas manquer) sera la source primordiale d’éducation à cet âge-là. Afin de favoriser le développement du monde mythique enfantin, source de créations d’énergies psychiques primaires, il faut utiliser le conte et la légende expliqués avec art et avec le plus grand effort dans la recherche de la perfection. Dans toute cette période, la conversation, l’expression libre prennent une grande importance, surtout si elles portent sur la vie elle-même, source d’intérêt de tous les enfants. A la fin de ce cycle, on peut essayer de développer les facultés mentales d’élaboration au moyen de jeux éducatifs bien choisis.
A cette étape, comme à toutes les autres d’ailleurs, il faut prêter une grande attention aux réactions du corps en face de la nature afin qu’il en reçoive le maximum d’action vivifiante par l’air, la lumière, les larges espaces. L’alimentation rationnelle doit être en même temps une des préoccupations capitales de l’éducateur et du biologue.
Pour cette école maternelle, comme pour les différents degrés de l’école primaire d’ailleurs, nous pensons qu’on doit établir des petits centres ou pavillons qui, rationnellement groupés, constituent des collectivités de vie plus favorables à l’éducation.
Chaque groupe de pavillons d’écoles maternelles (garçons et filles), en coéducation, devra être sous la direction d’un instituteur ou d’une institutrice spécialisés, aidés fréquemment dans leur tâche, chaque fois que cela sera nécessaire, par un médecin et des puériculteurs.



PREMIER CYCLE SCOLAIRE
(DE SIX A HUIT ANS)
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En commençant les cycles, nous voulons éclairer le sens de cette dénomination qui ne doit pas être confondue avec le trop connu « Plan Cyclique » qui ne nous apparaît pas comme devant être l’idéal. En disant : 1er cycle, 2ème cycle, etc … notre prétention n’est autre que de vouloir diviser les matières de base en degrés, adaptés au progrès évolutif de l’enfant.

Par contre, le plan de l’École active, appliquée au point de vue social fonctionnel et génétique, nous séduit davantage comme programme pédagogique à suivre.

Dans chaque cycle nous trouverons l’initiation graduelle, toujours dans le sens de formation, aux matières et connaissances de base de la culture intellectuelle (Langage, Mathématiques, Physique, Chimie, Biologie, Sociologie) qui, dans ce premier cycle, constituent deux chapitres uniques et exclusifs :

  1. La Nature ;
  2. La Société (avec toutes ses valeurs spirituelles).

Nous n’oublions pas que l’enfant doit devenir un citoyen capable d’une vie supérieure dignement humaine.

L’École doit réaliser les conditions du milieu social pour que l’enfant s’y développe selon les directives, la valeur et le but final de la Communauté. C’est pour cela que nous devons transformer les Écoles en sociétés miniature, en véritables « communautés de travail », afin que les élèves trouvent toujours l’occasion de collaborer et de s’entraider.

C’est le seul moyen qui nous permette de préparer l’esprit de solidarité et de justice. Ce n’est que de cette façon que les enfants pourront arriver à une sélection autonome naturelle.

Nous supprimons la vieille matière « des travaux manuels », parce que ceux-là laissent supposer une étude artificielle et intellectualiste établie sur le fait d’apprendre des leçons et d’ailleurs on peut tout juste dédier quelques maigres heures à un véritable passe-temps artificiel. Non ! Le plan de l’École active cyclique accepte le travail comme centre de toute la vie scolaire et il ne faut, en conséquence, pas d’heures complémentaires et inutiles.

En décrivant les matières fondamentales de chaque cycle, nous avons omis volontairement de parler de l’aspect artistique. La vie en commun, les jeux donneront toujours l’occasion de s’intéresser aux Beaux-Arts comme aux Sciences Naturelles.

Nous comprenons en principe que l’enseignement artistique, la sensibilisation de l’esprit doivent être des conditions nécessaires de la culture de l’enfant à l’École Primaire à condition qu’ils évitent, en partie du moins, les techniques qui tendraient prématurément à former des professionnels.

Les artistes professionnels doivent grandir et se former sur la base d’un patrimoine personnel. A l’École primaire, il faut donner à tout le monde l’instrument indispensable pour faciliter l’éclosion de cette personnalité. Une fois cette éclosion dessinée, il nous semble préférable de ne pas nous entêter à faire des techniciens de l’art, mais plutôt à stimuler la sensibilité de leur esprit. Pour cela, l’ambiance et la méthode nous paraissent toujours supérieures aux procédés et aux manuels pratiques.

Classes de création et de réalisation artistique, audition de disques, tel est notre programme. L’enfant qui « sentira » l’art, passera de son rôle passif à une participation active et directe aux réalisations effectives.


DEUXIÈME CYCLE SCOLAIRE
(DE NEUF A ONZE ANS)
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Il serait presque suffisant de dire que dans ce cycle et dans les cycles postérieurs, les connaissances de base apprises au cycle antérieur doivent se préciser et se développer.

Cependant, s’il est certain que, par l’école active, l’enfant crée et réalise dans tous les domaines et que, ce faisant, il s’instruit puissamment, il n’en reste pas moins que cela n’est pas suffisant. Le travail doit se faire avec goût, c’est-à-dire de bon gré.

Le plaisir est le stimulant indispensable pour que l’effort demeure et soit fécond. Par cela même il est nécessaire que l’enseignement ait les mêmes attraits que le jeu.
Dans ce cycle et dans tous les autres, il faudra donc s’appliquer au choix du thème.

Il faut que le thème éveille un intérêt chez l’enfant. On a beaucoup parlé des « centres d’intérêt ». Peut-être vaut-il mieux ne pas préciser les tendances physiologiques de l’enfant et deviner, à chaque instant, là où peut être son intérêt, suivant les circonstances.


TROISIÈME & QUATRIÈME
CYCLE SCOLAIRE
(JUSQU’A QUINZE ANS)
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A cet âge naît l’intérêt pour les choses abstraites. Ici commencent également la systématisation, les lois générales. Nous croyons qu’à cette période se termine la mission de l’enseignement primaire global.

Naturellement, cela, du point de vue théorique, vu que, dans la pratique et afin de ne pas créer des conflits (motifs d’adaptation entre le plan ancien et le nouveau régime), ces deux derniers cycles de l’École primaire se trouveront être les deux premiers de l’enseignement secondaire de l’ancien régime.

Pendant les troisième et quatrième cycles, commencent à se dessiner les travaux du travailleur manuel.

Voici, dans tous les cas, la différence la plus marquée dans l’enseignement primaire proprement dit.



SOLUTION IMMÉDIATE
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En attendant, pour l’instant, que l’équilibre social et économique auquel doit parvenir le peuple, rende possible la création de l’école que nous désirons tous, nous n’avons qu’à nous plier aux réalités existantes, pour si anormales qu’elles soient, et essayer de les améliorer en les adaptant à l’accomplissement d’une fonction urgente et immédiate.

A cette fin, les édifices acquis par le peuple seront utilisés par l’école et l’on y réalisera les améliorations et adaptations nécessaires pour un usage occasionnel et provisoire.

Pour l’organisation rationnelle de ces locaux – en tenant compte des facteurs économie, espace, temps, rendement – on fera éventuellement appel aux spécialistes de l’assistance aux enfants. Si ces mesures provisoires ne permettent pas de résoudre le problème scolaire pour toute la masse des enfants des grandes villes, on s’efforcera d’installer les nouveaux édifices qui se créeront non pas au centre des agglomérations, mais dans les faubourgs.

Cette même préoccupation est valable pour les villages où on rencontrera su ce point moins de difficultés.

Une fois résolu le problème de l’installation matérielle, reste à solutionner la question primordiale du choix des éducateurs.

Nous pensons que tout le personnel titulaire ne possède pas les aptitudes de base pour constituer la foule des éducateurs que les circonstances réclament pour faire surgir l’école nouvelle du peuple. Mais nous sommes persuadés par contre qu’il exister des citoyens que la honteuse et inique vie espagnole a empêchés d’arriver à une spécialisation pour laquelle ils étaient excellemment doués.

Nous pensons qu’il est possible de trouver, dans les générations actuelles autodidactes, des jeunes gens dont le caractère et l’intelligence se forgent dans la lutte collective pour créer un monde nouveau. Soumis à une rapide préparation pratique, ces jeunes gens compléteraient facilement une formation qui ferait d’eux des collaborateurs précieux dans l’œuvre de l’éducation populaire.

Tout le personnel enseignant – aussi bien celui muni de titres que les nouveaux éducateurs sans diplôme mais ayant un immense désir de travail – doit être mis à l’épreuve, dans des stages d’enseignement et des cours d’orientation, afin de sélectionner les véritables éducateurs de l’École Nouvelle.


Orientation Générale
Au Deuxième Degré
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De la même façon que dans les étapes antérieures, il faut essayer de camper l’École dans une ambiance propre et de la doter d’un esprit nouveau.

L’École professionnelle subit, dans le monde entier, un moment de crise.

Cette école, celle que jusqu’à présent ont dû supporter les générations de nos enfants, répond de moins en moins aux aspirations culturelle de notre siècle et aux aspirations du monde que la nouvelle société doit créer.

Il n’est pas difficile de remarquer que toute culture est aujourd’hui sous les effets d’une profonde rénovation. Une nouvelle attitude de l’homme en face de la vie, une manière différente de concevoir et d’apprécier le but final, qui découle de structure sociale, a surgi.

La révolution industrielle et économique conduit la société de notre temps par des chemins et des carrefours dont l’issue reste angoissante si elle n’est éclaircie comme en Espagne par la secousse formidable et libératrice de la révolution du peuple.

L’homme d’aujourd’hui a perdu la foi eN un grand nombre de principes qui semblaient fondamentaux pour l’homme d’hier. Une profonde réaction sentimentale contre des idées et des attitudes qui maintenaient une culture orgueilleuse et décadente a ouvert de nouveaux horizons aux cœurs et aux intelligences, horizons que l’homme se dispose à contempler d’un regard serein et généreux. L’homme a vu clair, pour l’être vivant, la VIE est le grand problème et le véritable but à quoi tout est subordonné. La même pensée de l’homme éthique ne se justifie qu’en fonction et raison de la vie, encore qu’elle soit concrétisée par des intérêts d’ordre spirituel.

Avec ce nouvel esprit, avec cet esprit qui naît, surgit, naturellement, une nouvelle pédagogie et une nouvelle école. Une pédagogie du respect de la vie, de confiance en la vie et dans le pouvoir créateur que l’homme porte caché en lui et qu’il est capable de mettre au service de la collectivité si celle-ci n’étouffe pas ce qu’il y a de plus profond et de plus valeureux dans l’âme humaine : son originalité, sa spontanéité, le libre développement d’un pouvoir sans limites, qu’il faut soigner et exalter comme force constructive de premier ordre, en face de la pédagogie ancienne, pédagogie oppressive, méconnue, intellectualiste, statique, antivitale, parce que la vie n’est pas une immobilité mais bien une activité et surtout une activité spontanée.

Une bonne partie des écoles actuelles se composent de locaux exigus situés dans des rues étroites, au centre de la ville ou dans des quartiers populeux, ou dans des édifices en ruines, dans l’agglomération sale et laide des communes. Par son installation même (qui n’offre que le local, les salles de classe, les murs), il n’y a pas d’autre remède que de se replier dans l’ancienne technique scolaire héritée du moyen âge, triomphe du verbalisme, des leçons théoriques sans contact avec la réalité et de l’intellectualisme sans âme, de l’enseignement de toutes les choses avec des paroles et des livres de textes, pour former des enfants, esclaves d’une éducation ayant fait faillite.

Et nous tenons à préciser que nous ne prononçons pas l’exclusive contre les grands groupes scolaires, si à la mode dans quelques villes d’Europe, il y a quarante ans. Le milieu éducatif qui se crée dans ces grandes agglomérations, sans large espace, avec des cours petites et obscures, est une ambiance adaptée à l’antique conception pédagogique, rigide, uniforme dont le but était, principalement, d’alourdir le cerveau des enfants avec des leçons théoriques pour soumettre leur activité, leur précieuse activité, à une discipline, qui, en certains lieux, finissait par prendre le caractère d’une vie de caserne, le caractère d’une grande multitude uniformisée.

Ces grands groupes scolaires ont été en grande partie couronnés d’insuccès. La preuve la plus évidente de leur insuccès, c’est que, dans les grandes villes du monde entier, on les abandonne, pour en édifier d’autres de nature différente.

Une école de ville d’ailleurs, qu’elle soit petite ou grande, si elle est située là où l’exigent les nécessités d’une agglomération urbaine désordonnée et irrationnelle, ne peut répondre aux besoins d’une éducation normale des enfants.

L’ambiance urbaine, résultat d’une évolution large et compliquée, peut concorder avec les nécessités momentanées des adultes qui l’habitent. Elle ne saurait être en rapport avec la vie élémentaire de l’enfant qui doit asseoir sa formation sur un milieu plus simple, plus naturel, plus logique, répondant à l’état rudimentaire de son développement.

C’est à cause de ce désaccord essentiel et fondamental que nous proposons, pour l’éducation de l’enfance, autant que possible la vie en marge des grandes agglomérations urbaines.

Notre ligne de conduite tend à rejeter la création d’écoles du type des grands groupes scolaires urbains qui imposent une certaine organisation désuète du travail, à tel point que, par force, doivent triompher le verbalisme, la routine, la passivité et l’inévitable oppression qui en est la conséquence. Nous devons, au contraire, encourager la création d’écoles simples, non monumentales mais petites, en forme de pavillons groupés dans des endroits verdoyants de la ville ou mieux en dehors de la ville. Dans ces pavillons sera enfin possible une vie en commun plus naturelle, plus cordiale, plus familière, mieux en contact avec le milieu ambiant, une vie pratique aussi associée – au champ ou à l’atelier – à l’indispensable effort théorique.

Il y a une distribution matérielle enfin des salles de classe qui rend possible le travail de l’école active.

Les locaux qui doivent être occupés par les garçons et les filles (en principe les écoles de base pratiqueront la coéducation) devront être installés pour réaliser le concept de salles de travail, dans lesquelles il sera possible d’effectuer des manipulations élémentaires, une étude pratique, à même les éléments et les phénomènes authentiques, des disciplines vitales de l’école.

Pour des enfants au-dessous de 12 ans, des classes ainsi conçues peuvent être suffisantes si on prend effectivement pour base de travail le champ scolaire et la vie même, en modifiant ainsi profondément l’allure et le ton de l’activité enseignante.

Dans les pavillons abritant des enfants plus âgés, les salles d’atelier devront posséder le matériel nécessaire pour les activités élémentaires pratiques des garçons et des filles. On cherchera dans ces écoles moins un préapprentissage prématuré que l’harmonie nécessaire entre les activités théoriques et les travaux pratiques de laboratoire et d’atelier (menuiserie, travaux sur fer, reliure, économie domestique).

Grâce à l’École traditionnelle, l’École nouvelle doit fonder son activité sur des principes psychologiques et sociaux qui conditionnent sa structure et son activité ! Principes et lois psychologiques qui conditionnent l’organisation du travail à cette étape.

Ainsi la loi de continuité de l’esprit, la loi d’originalité et d’individualité, le principe du syncrétisme, la liberté, la coopération, etc… nous décident à déclarer que l’école, à ce degré, ne doit pas tomber dans l’inconséquence de l’École traditionnelle qui méconnaissait ou dédaignait ces lois fondamentales.

Nous croyons, au contraire, que la Nouvelle École doit découvrir et élaborer une technique du travail d’ensemble, au moyen de laquelle il soit possible de découvrir les intérêts réels des enfants, l’expression sincère de ce qu’ils sentent et de ce qui les touche.

Il faut pour cela mettre à la portée des écoliers des outils de travail, de documentation et de recherche afin que, de façon naturelle, surgissent un enseignement individualisé, une connaissance élaborée par l’effort propre, une activité fonctionnelle de réactions, de désirs et d’impulsions naturelles.

Nous sommes persuadés qu’un travail conçu sur ces bases peut être suffisant pour satisfaire tous les intérêts de l’enfance, pour répondre à toutes les exigences de la curiosité et du désir de savoir, pour permettre toutes les recherches. Et surtout cette activité est, une occasion naturelle d’acquérir une foule de connaissances qui ne sont pas alors artificiellement ordonnées dans des livres et des programmes et qui répondent mieux à un ordre psychologique de l’apprentissage qu’à un ordre soi-disant logique de la science presque toujours en désaccord avec une ferme didactique infantile.

Peut-être, de cette façon-là, n’obtiendrons-nous par les reluisantes intelligentes des écoliers actuels dominés et opprimés par des données théoriques et verbales, mais nous formerons, en revanche, des personnalités vigoureuses et riches de possibilités créatrices.

Cette conception globale du travail scolaire n’empêche pas que, dans les dernières années de l’école de base on tende à ordonner scientifiquement certaines connaissances, à les grouper harmonieusement autour des acquisitions que nous jugeons essentielles à ce degré : langage, calcul, étude de la nature, étude de l’homme.

Par l’étude de l’homme il faut entendre : étude de l’homme et de son milieu géographique, étude des efforts de l’homme pour conquérir la nature et atteindre à sa perfection : histoire du travail, de civilisation, de la coopération humaine et des progrès de la production, etc…

Tout cela sans perdre de vue la fonction de l’école, comme organisme collectif qui, pour ainsi dire fusionné avec le milieu naturel et social où il rayonne, se développe pour exercer son influence et acquiert son caractère spécifique. Car nous ne concevons pas du tout notre école uniforme : nous la voulons différenciée, adaptée a milieu où elle se développe, où elle exerce sa fonction sociale.

L’école rurale doit posséder les caractéristiques propres à la localité où elle est installée, de même que l’école urbaine.

Cependant, pour rendre plus réelle cette fusion entre l’école et le milieu, nous estimons nécessaire que chaque école soit inscrite, comme un organisme collectif supplémentaire, à une collectivité de production, à une collectivité de travailleurs, afin que les enfants puissent participer aux travaux et à la vie sociale des grands et en même temps, que la collectivité des travailleurs exerce son influence et sa tutelle par une attention de tous les instants, sur l’école de leurs enfants.
Ainsi se pose le problème du contrôle social de l’école, chose que nous croyons en tous points bienfaisante et même essentielle dans notre conception de l’œuvre éducatrice.

Les maîtres, en dehors de leur inscription à des syndicats professionnels, doivent se confondre (comme partie intégrante de l’école) avec les intérêts et les activités sociales, comme la collectivité à laquelle sera annexée l’école. Et de la même façon les travaux doivent fusionner avec les intérêts et les activités de l’école, exerçant sur elle un contrôle social d’une inestimable valeur.


LE PROBLÈME DE
L’ÉCOLE RURALE
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Les possibilités latentes de l’école rurale ont été toujours méconnues et dédaignées par les organisateurs de notre vieille école. L’école rurale mérite cependant une attention toute spéciale non seulement du fait de sa grande extension en Espagne mais aussi parce que les circonstances et les condition particulières dans lesquelles elle peut évoluer offrent le milieu parfait pour l’éducation du peuple.

Le caractère et l’organisation de l’école rurale actuelle, intellectualiste et uniforme, contribuent à rendre plus précis et plus éclatants les motifs de décadence du génie campagnard. L’École rurale ne cesse d’être une institution sans physionomie substantielle. L’École des milieux ruraux n’est qu’une imitation servile et appauvrissante de l’École urbaine, laquelle n’est à son tour qu’une copie des centre d’enseignement secondaire.


L’École sera considérée comme un organisme collectif qui doit occuper un lieu déterminé dans la vie sociale du milieu où il rayonne, et accomplir des fonctions déterminées, socialement nécessaires dans le plan général d’activité de la région.

La population rurale a besoin de son école, une école ayant sa physionomie propre, non une école de type prédéterminé. L’école rurale doit posséder des qualités caractéristiques qui fassent d’elle un organe essentiel du milieu où elle développe son action sociale.

Le milieu naturel et social des noyaux villageois offre les conditions parfaites pour garantir une véritable œuvre d’éducation. L’école rurale doit rechercher son caractère en s’appuyant sur la nature et le rythme naturel et simple de la vie paysanne.

Il est nécessaire d’utiliser les condition excellentes, la base parfaite du milieu qui entourent l’école rurale pour empêcher son insuccès et pour créer la nouvelle école dont a besoin le peuple.

Et dans ce but, nous proposons en premier lieu :
1° Suppression obligatoire des disciplines, programmes ou matières d’enseignement, fixés dans les plans de travail de la technique scolaire actuelle ;

2° Réaction nécessaire contre le désir manifeste et général de voir le travail des écoles régi par un programme et un horaire fixes. Cette vision fragmentaire de la réalité et cette obligation sont incompatibles avec une œuvre réellement éducative. Malgré que les grands groupes de l’école urbaine soient obligés d’accepter ces fétiches, il ne faut pas que l’école rurale soit soumise à cette oppression antinaturelle. On doit la sauver ;
3° Il importe d’organiser à l’école rurale l’essai des nouveaux plans de travail, préconisés dans les nouvelles méthodes et dans les nouvelles techniques de travail scolaire. De cette façon on parviendra à faire déplacer le centre de gravité de l’école des livres de textes et des programmes actuels vers la grande source éducative que sont la nature et la vie.

On parviendra ainsi à réaliser l’intime relation qui doit exister entre la vie de l’école et la vie du milieu ambiant avec ses possibilités naturelles et ses nécessités. L’École pourra alors adapter son travail au milieu, en exerçant une influence profonde sur le développement et l’amélioration de la vie des champs – qui sont d’une urgence essentielle.

4° Dans ces conditions, le maître-éducateur peut atteindre à la profonde influence éducative que nous demandons à l’École rurale. La clé de l’éducation morale dans les milieux ruraux consiste dans la valeur suprême du travail, dans l’exaltation du noble métier du cultivateur, dans l’extériorisation de cette émotion de la vie rurale et de la joie sans réserve de la nature, dans la conscience en la ferme et profonde destinée du prolétariat de la terre.

5° Nous demandons que dans le travail de l’école, il soit fait une large part au travail agricole, dans le jardin scolaire, mais dans le sens d’une action pour réaliser une école active, une école de travail en contact avec la nature et en lutte avec elle pour lui arracher ses produits. Ne tombons pas dans l’erreur d’orienter l’école vers la formation professionnelle. L’école de base ne doit pas se donner comme but de créer chez l’enfant des techniques de travail agricole, mais bien au contraire, de développer surtout l’aptitude humaine et sociale.

L’action ultérieure des écoles spéciales d’agriculture bénéficiera solidement de cette préparation générale et profonde de l’école primaire.

6° Pour que la mission que nous voulons donner à l’école rurale soit une réalité, il nous faut le maître-éducateur.

Nous avons trop d’instituteurs qui fuient les villages, par aversion pour le paysan illettré et fatigant. Il nous faut des maîtres pourvus d’une solide formation culturelle, possédant principalement un sens social plein d’altruisme, en rapport avec la mission qui leur est confiée, une claire conscience et une ferveur sincère pour l’œuvre de l’éducation populaire. Il est nécessaire de former les maîtres avec un esprit tendu vers l’éducation du prolétariat.

Les maîtres de l’école rurale doivent recevoir la même préparation technique générale que les autres, mais la majeure partie de leur formation doit se faire en vivant au contact de la vie des champs sous la direction de professeurs qui ne soient pas exclusivement des intellectuels.

Il faut que le maître reçoive l’influence des biens culturels des villes. Il conviendrait de penser aux installations de résidences pour instituteurs, dans des milieux culturels, leur faciliter les voyages, les conférences, etc., etc…

Tout cela sans oublier les satisfactions de la vie matérielle, dont doit pouvoir jouir le maître rural, qui sera doté des mêmes avantages que les instituteurs des villes.

7° Il est nécessaire de créer une nouvelle organisation des écoles rurales.
Voici la règle générale :
Créer dans chaque village l’école ou les écoles d’ambiance rurale.
Créer dans le centre régional l’école ou les écoles polytechniques.
Créer dans les localités bien situées l’école pratique d’agriculture.

Dans quelques régions où les villages sont clairsemés, il sera préférable de concentrer les écoles. Là où il y aura suffisamment d’habitants pour qu’il y ait une école, la concentration n’est pas à conseiller. Le village perdrait, en perdant son école, le centre culturel que celle-ci doit constituer, le travail intellectuel étant en coordination avec le travail social de tout le monde.

8° L’école nouvelle rurale aura un jardin et un champ d’essais agricoles, une cuisine scolaire, une bibliothèque et un atelier.

9° Dans chaque école rurale il devra y avoir une classe pour les tout petits.

10° L’école, d’architecture sobre, sera située aux alentours du village.

(pour éviter d’allonger inconsidérément cette étude, et pour rester aussi dans le cadre, suffisamment vaste déjà, de notre école primaire, nous ne reproduisons pas les chapitres du document espagnol se rapportant aux : Âges de l’orientation initiale, les diverses techniques de base, le problème de la sélection, Relations entre techniciens et universitaires, problèmes de l’enseignement supérieur et polytechnique, l’Université, le front culturel, chapitres dont la préoccupation essentielle reste le souci de réaliser véritablement l’école unique au service du peuple).



L’ENSEIGNEMENT
ARTISTIQUE
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Maintenant que les disciplines artistiques vont faire leur entrée dans l’École unifiée, à côté d’autres enseignements de base et confondues avec eux, il nous faudra les doter d’une haute valeur humanitaire, primordialement et essentiellement éducative. Nous désirons et nous voulons que leur enseignement soit harmonieusement organisé, aux heures de bouleversement et de rénovation que nous vivons.

Nous voulons que leur pratique cesse d’être une distraction de l’ennui ou une satisfaction de la vanité. Il nous faudra obtenir – en les élevant au niveau des grandes catégories – que les enseignements des Beaux-Arts et des professions artistiques ne puissent être compris comme « matières d’ornement ».

Nous désirons placer l’école face à la nature pour clarifier et aérer son esprit, affiner sa sensibilité, augmenter sa capacité de curiosité, de recherche et d’acquisitions. Nous désirons réveiller l’intérêt de l’enfant, développer ses facultés et aptitudes et le pousser, par d’opportunes évasions de la part du professeur, au contact suggestif de l’essence de la vie.

L’École Unifiée ne prétendra jamais faire des génies, ni des artistes, ni encore moins des simulateurs et des fabricants de produits frelatés. Nous voulons simplement préparer des créateurs. Et quand nous disons : préparer des créateurs, nous n’avons pas en vue la production d’œuvres catalogables entre l’artisanat et le génie, mais la culture vivante et éducative du processus créateur. Cela veut dire créateurs d’œuvres humbles ou de grande classe, mais créateurs authentiques.

Nous supprimerons de ce processus de création véritable, tout artifice, toute simulation, toute apparence trompeuse, toute exaspération de l’habileté et de l’exploitation. Mais nous doterons le métier et sa technique de toute la perfection et de toute la valeur humaine qu’ils méritent.

Nous n’admettrons pas que cette valeur d’une portée supérieure produise, bouleversée, ces œuvres d’apparence plaisante et d’une fausse facture artistique qui furent familières aux années de décadence. Nous ne voulons pas que ce faux Art se confonde avec le processus créateur qu’il priverait de ses vertus en l’affaiblissant. Nous n’adapterons pas un magnifique tuyau à un misérable fil d’eau boueuse et nous ne laisserons pas se disperser et se perdre nos belles sources d’eau pure et fraîche.

Que la perfection technique n’exclue ni ne paralyse l’action vivante et authentique de l’esprit, ni que celui-ci oublie et dissipe celle-là. Éducation en face du professionnalisme habile et composé. Investigation, recherches vivantes et pénétrantes contre les distractions pompeuses de l’habileté et de l’artifice. L’éclat du fait vivant de création et sa réalisation devant les œuvres reluisantes et les montages de grande apparence. L’intérêt hardi et soutenu contre l’éparpillement affecté de l’oisiveté ; le vivant et vrai travail contre la facile soumission à la vanité.

Nous voulons que ce soit l’écolier qui ouvre sa propre terre – avec toutes les perfections techniques – pour y faire fructifier la semence des mille voix de la nature et de la vie.

Ainsi la vivante éducation artistique fera elle-même les semailles et ouvrira au peuple scolaire des chemins multiples et efficients.

Les Arts fils du peuple, tombés en esclavage, au service exclusif d’une classe, doivent être rendus au peuple. Ils doivent vivre de lui, par lui et pour lui. Nous allons rénover jusqu’à ses entrailles l’enseignement des Beaux-Arts. Il nous faudra mettre à cette tâche, toute la puissance de notre foi, une réelle activité de transformation, un zèle intense et un grand enthousiasme pour réaliser la grande ambition de l’École Nouvelle Unifiée.


LA LANGUE MATERNELLE
A L’ÉCOLE
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Pour la part décisive que la langue a dans l’efficacité de l’enseignement, le Conseil de la Généralité de Catalogne a fixé dans le décret suivant, sa position et son point de vue:

« Aucune convention ne peut justifier la violation des droits de l’enfant, qu’incarnent les droits de la nature. Parmi ces droits, celui de l’enfant a pouvoir user de sa langue propre – celle avec laquelle il est venu à la vie – est reconnu par tout le monde et consacré par les congrès du bilinguisme.

Et si, dans ce droit on fonde la personnalité dans ce qu’elle a de plus universel, sa défense est des plus justifiées.

Il n’y a que les fortes personnalités qui soient capables de recevoir le choc de toutes les idées, pour se mettre en fonction de toutes sortes de cultures, pour entrer en possession de toutes sortes de langues. Une personnalité ne peut se targuer d’être forte, tant qu’elle ne s’est pas elle-même créée dans son ambiance, ambiance dont fait essentiellement partie la langue. Donc, en défendant la langue de l’enfant, est défendue en plus la possibilité de possession d’autres langues, qui ne peut être considérée comme définitive, que quand l’enfant a développé pleinement ses propres organes d’expansion. Parce que c’est sur la base de la langue maternelle que doit s’édifier la possession de toutes les autres langues, base la plus vivante et la plus naturelle. Le problème de la langue a donc un double aspect, un premier aspect de dignité nationale et un deuxième aspect d’efficacité pédagogique. Nous, Catalans surtout, qui devons à notre langue, notre renaissance littéraire et nationale, devons lui rendre justice, pour tout ce qu’elle signifie pour nous et pour tout ce que nous attendons encore d’elle.

La République qui représente une revendication de droits violés, a reconnu tout de suite les droits de l’enfant par rapport à la langue, par le décret du 29 avril 1931. Maintenant que nous sommes arrivés au moment de détruire toutes les injustices, nous devons liquider définitivement cette question de la langue, dans l’enseignement, œuvre si bien commencée par les gouvernements de la République.

Et c’est pour cela que l’un des problèmes qui a le plus intéressé le Conseil de l’Ecole nouvelle unifiée, dès le premier moment, a été celui de la langue.

Sur la proposition du Conseiller de Culture et d’accord avec le Conseil, je décrète :

ARTICLE PREMIER. – L’enseignement pré-maternel, maternel et primaire, dans les écoles de Catalogne, se fera, à la base, dans la langue des enfants. Le maître utilisera l’idiome de l’enfant, là où la répartition des enfants en groupes, ne sera pas possible.

ARTICLE 2.- Encore que la langue de base de la conversation, des textes ou des enseignements soit la langue maternelle, la deuxième langue ne sera sous aucun prétexte négligée dans la mesure où, d’une façon naturelle, la vie ou l’ambiance le comportent.
Il faut cependant ne jamais faire violence à l’esprit de l‘enfant. L’école sur ce point sera le reflet de la rue, où, généralement, les deux langues vivent en commun.

ARTICLE 3.- Quand on verra que l’enfant est suffisamment formé dans sa propre langue, ou quand il aura terminé le processus d’acquisition du langage et qu’il sera alors capable de s’exprimer verbalement, et par écrit dans les formes des grandes personnes, commencera alors, avec intensité, l’étude de la deuxième langue, le catalan pour les enfants parlant le castillan et le castillan pour les enfants de langue catalane. Cette étude aura une triple base : en premier lieu et par-dessus tout, on stimulera le langage parlé, la connaissance grammaticale donnera l’usage de la langue et enfin le langage littéraire communiquera le contenu spirituel de la deuxième langue.
Dans le développement normal, l’âge où devra commencer l’étude de la deuxième langue devra être dix ans.

ARTICLE 4. – L’étude du catalan sera obligatoire pour tous les maîtres qui ne le connaîtront pas, exception faite de ceux qui auront pour mission d’enseigner aux enfants leur langue maternelle et qui sera le castillan. Les maîtres résidants hors de Barcelone, pourront utiliser dans ce but les services d’enseignement par correspondance gratuits, organisés par la Généralité de Catalogne et ceux résidants dans Barcelone pourront assister à des cours-conférences organisés par le Conseil de culture, lequel donnera également les dispositions nécessaires pour délivrer les certificats d’aptitude linguistique à l’enseignement du catalan et toutes dispositions complémentaires pour l’application de ce décret.

Barcelone, le 18 septembre 1936
Louis COMPANYS, Le Conseiller de Culture: Bonaventure GASSOL

Publié dans le Journal Officiel du 22 septembre 1936
Exemplaire n° 0509

Traduit par Monsieur Alfons MIAS,
Professeur de Catalan du Collège dé Occitania de Castelnaudary,
Décembre 1936.