La veste de laine
par Pascale Borsi
 
C'est une histoire de fil qui nous a fait nous rencontrer.
Tendu dans une cage sans porte ni barreaux,
ce fil là m'a emmenée loin, très loin sans jamais
pourtant se prendre pour une longe...
Souvent je me demandais comment un si grand monsieur
pouvait me faire oublier sa taille,
me faire oublier sa main qui tenait le fil
comme on tient un tissu de Soi flottant dans le vent,
juste pour que ses volutes ne soient pas vaines,
pour que mon cerveau lent prenne son véritable envol,
ne soit pas qu'une chose soumise aux forces de ce monde.
 
Un jour, j'ai rencontré « le petit garçon au sparadrap ».
Déjà différent, tignasse hirsute sur la photo
et veste de laine à peine boutonnée,
la blouse grise, c'était pour les autres....
Ce n'est pas lui qui tenait l'ardoise,
pas lui qu'on avait mis devant.
Mais ce gamin-là, c'était lui « mon » Paul !
Logique qu'il sache jouer avec le vent et les ficelles,
il avait bien une frimousse à prendre des gamelles,
à se couronner les genoux dans des inventions fantasques,
pas une tronche de premier de la classe...
Pourtant, déjà, on sentait dans le regard
que ça cogitait dur sous les cheveux en broussailles.
Même un peu plus apprêté pour la photo de famille,
les yeux riaient : la vie était une chose trop sérieuse
pour la laisser aux tristes, aux vaincus, aux blasés, l'école aussi.
 
A peine quelques années plus tard, pour un journal de l'Ouest,
la veste de laine est toujours là, un peu plus grande,
un peu plus claire et lui dedans qui nous attend.
La veste ne s'est jamais retournée, le fil, il ne l'a jamais lâché.
Les enfants, ils les a mis devant les cages, pas dedans.
 
Excusez-moi les copains de ne pas être parmi vous aujourd'hui.
Paul était dans le vent, j'ai filé sur la plage, qu'il m'ébouriffe un peu !
Pascale Borsi
Paul Le Bohec, 8 ans
école de Quineleu, Rennes - CE2 1929-1930
Classe de M. Tessier, dit Père Cent Poils

mail du 18/1/9 accompagnant ce texte.
Bonjour Hervé, bonjour Pierrick,
Je ne pourrai être parmi vous mercredi.
J'ai essayé d'écrire quelque chose. Pas facile...
Chacun de nous a au fond de son coeur "son" Paul.
Il est magique cet homme là, il multiplie les Paul
pour que personne ne reste sur sa faim :o)!
On se retrouvait souvent sur les chemins de l'enfance:
la sienne, la mienne et celle qui nous importait le plus:
la leur à tous ces gamins qu'on sentait
en mal d'une main qui leur donne confiance en la vie.
Alors c'est son petit garçon que je suis allée chercher
en renfort pour saluer Paul Le Beau Mec.
Je vous envoie donc mon texte libre libre,
lisez-le si vous le souhaitez ou, comme je l'avais écrit à Pierrick
dans un précédent message, laissez-le traîner dans la gerbe.
A bientôt, je vous embrasse.
Pascale