Méthode naturelle de deuil
par Nicolas Go
 
Pour Rosine, Perig, Hervé, Tanguy et Francine.
 
Ta dernière leçon de Méthode naturelle a été la suivante : C'est en mourant qu'on apprend à mourir.
Tu as l'habitude de dire que la première caractéristique, c'est « pratique personnelle indispensable ». Alors là, mon Paul, permets-nous d'attendre un peu. On se contentera, pour le coup, d'une leçon magistrale. Comme dit Woody Allen : « Ce n'est pas que j'aie peur de la mort, mais je préfèrerais être ailleurs quand cela se produira. ».
Magistrale, ta leçon, elle l'a été. On dirait que tu ne t'es vraiment intéressé à la mort que pour la tienne. Et encore, tu as attendu le bon moment, le dernier, celui qu'on appelle le « moment venu ». Car on ne parle pas de ce qu'on ne connaît pas. Même dans ta façon de mourir, tu nous as appris quelque chose : le rire est thérapeutique jusqu'au bout.
Tu as été, pour ceux d'entre nous qui ont accompagné tes derniers jours, le plus agréable des moribonds. Ceux qui, chancelants, s'efforçaient de te soutenir, tu les consolais en riant. Ceux qui, pour une dernière visite, sont venus pleins d'appréhension à ton chevet, ceux-là sont repartis l'esprit joyeux et curieusement remplis d'énergie. Car tu as travaillé et enseigné jusqu'à ton dernier souffle. La formule est de toi : « quand c'est raté, c'est réussi ».
En matière de pédagogie, le disciple a dépassé son maître : tu as porté la méthode naturelle de Freinet à incandescence. Tu es allé si loin qu'il nous faudra collectivement encore longtemps pour comprendre. Tu as oeuvré à l'accomplissement d'une « pédagogie de l'être humain », tu as donné une forme vivante inédite à la complexité, qui trace le chemin pour les décennies à venir. C'est une oeuvre coopérative que nous poursuivrons.
Tu nous as souhaité en partant une bonne vie, nous te souhaitons en retour une bonne mort.
Sache que, comme tu l'espérais, tu es mort « encore beau ».
Et puisque tu aimes les jeux de langage, en voici un dernier, parodiant une célèbre phrase de Pascal : « nous sommes des nains montés sur des épaules de géants », ça devient « nous sommes des nains montés sur Paul le géant ».
Nicolas Go, le 14 janvier 2009, au nom de l'Institut Coopératif de l'École Moderne - ICEM Pédagogie Freinet et de la Fédération Internationale des Mouvements de l'École Moderne