- pur délire
- par Paul Le Bohec
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- Vous allez dire que j'exagère. Moi aussi, je trouve que
j'exagère quand, en parlant du 674218 du Freud de
«Psychopathologie de la vie quotidienne», je dis qu'il
exagère.
- Voici les faits que je vous soumets, tout en étant
conscient que je risque de faire du dégât au niveau
de notre chère méthode naturelle. Surtout dans
l'esprit des gens sensés. Car, l'inconscient, est-ce que
ça existe?
- Avant-hier, un évènement familial
considérable: pour la première fois depuis la mort
de notre mère, il y a vingt-cinq ans, les trois
frères se retrouvent tout un après-midi. La nuit
suivante, un nombre m'apparaît en rêve: 365206.
Étonné, je me demande au réveil pourquoi ce
diable de nombre a-t-il surgi dans mon inconscient? Ce qui frappe
immédiatement, c'est le 520, car c'est le numéro de
la locomotive qui a tué notre père dans la gare dont
il était le chef. Le 36 aussi me semble assez clair parce
que c'est 3 la différence d'âge entre mon
aîné et moi et 6 la différence entre mon cadet
et moi. Et ça ne date pas d'aujourd'hui. Mais 06 je ne vois
vraiment pas. Il y a bien les Alpes-Maritimes de Freinet,
Élise et la CEL. Mais quel rapport avec nous? À
moins que le 5206 ne soit en relation avec le 5026 de la voiture
que j'ai vendue récemment. -La métonymie des
rêves s'applique peut-être aussi aux nombres. Au lieu
d'un nom pour un autre, l'inconscient prendrait un nombre pour un
autre?- Mais je m'arrête là car vous allez penser que
ça confine au délire.
- Cependant, pour achever de me déconsidérer
à vos yeux, je signale qu'un matin, en allant chercher mon
journal au bourg, je suis soudain resté figé sur
place. Il y avait quelque chose d'insolite dans l'environnement.
Alors, comme Proust lorsqu'il avait buté sur le pavé
inégal, j'ai essayé de savoir pourquoi. Mais j'avais
beau regarder partout, je ne trouvais rien. Soudain mes yeux sont
tombés sur le numéro d'une voiture: 5076. Ça
ne pouvait être que ça: le rappel d'une structure
numérique familière (5026).
- Mais je vous l'accorde: c'est du délire. J'ai trop lu
Proust et Freud. Et je suis trop amoureux des nombres.
- Eppure, si muo vono i numeri.
- Paul Le Bohec dans Naturellement math n°7
juillet 1991