- Lectures et rencontres multiples
- Célestin Freinet, un
éducateur pour notre temps
- Michel Barré
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- A cette époque paraît un livre du sociologue
suisse Adolphe Ferrière, intitulé Transformons
l'école. On se doute que Freinet ne reste pas insensible
à un tel titre. Il lit également l'ouvrage
précédent de l'auteur, L'école active, qui
lui fait connaître de nombreuses expériences
d'éducation nouvelle dans le monde entier.
- Il lit ou relit les philosophes pédagogues (Rabelais,
Montaigne, Rousseau et l'éducateur rousseauiste
Pestalozzi), moins pour trouver des réponses à ses
problèmes que pour voir comment ils se posent les questions
fondamentales ; également pour se placer sous leur haut
patronage dans ses actions personnelles. Il fera de même
lorsque paraîtront les Instructions Officielles de 1923 qui
redéfinissent les programmes et les méthodes de
l'enseignement primaire. Beaucoup plus ouvertes que les
précédentes, elles seront d'abord peu
appliquées dans la plupart des classes et Freinet ne
cessera de montrer qu'il ne fait que réaliser pleinement
les intentions générales qui s'y expriment.
- En avril 22, il tente le professorat de lettres des Ecoles
Primaires Supérieures. Sans avoir réussi à la
dernière épreuve de l'examen, il se voit proposer
une délégation à l'EPS de Brignoles, mais
après l'avoir visité il renonce à cette voie.
Une chose est certaine : Freinet lit beaucoup. Non pour
acquérir un vernis culturel ou accumuler des connaissances
selon les schémas scolaires traditionnels qu'il critique
tant (le capitalisme de culture, selon son expression qui signifie
plus exactement : capitalisation des savoirs). Il se comporte
plutôt en orpailleur, passant au tamis des quantités
d'alluvions pour ne garder que les pépites qu'il fera
fondre dans son creuset personnel. Bien que l'image soit moins
poétique et peut-être iconoclaste, il fait penser
aussi au bricoleur un peu chiffonnier, fouillant partout, mettant
de côté, çà et là, un
élément apparemment inutile dont lui seul sait qu'il
en aura un jour l'usage, en le transformant selon son projet.
- La symbolique de l'homme de la base, puisant l'essentiel de sa
pensée dans son génie personnel et son
expérience, amène trop souvent à minimiser
ces apports extérieurs préliminaires qui sont
pourtant évidents et n'altèrent en rien
l'originalité profonde de Freinet.
- Car il faut distinguer deux types d'autodidactes dans la
façon de puiser dans leur environnement culturel. Les
premiers, fonctionnant généralement en vase clos,
sont subjugués par leurs trouvailles successives et les
enchâssent telles quelles dans leur construction
personnelle, comme les orfèvres du haut moyen âge. En
fait, ils procèdent par simple accumulation, comme
hélas! certains universitaires, avec moins de
cohérence que ces derniers, mais un charme baroque
naît parfois de l'hétéroclite.
- Les seconds, parce qu'ils se confrontent en permanence
à la réalité et dialoguent avec les autres,
ne peuvent se contenter d'accumuler; ils assimilent les apports de
telle façon qu'ils les transforment en
sécrétion personnelle. Une grande attention est
souvent nécessaire pour reconnaître dans leurs
initiatives une influence extérieure et l'on serait
tenté parfois de les accuser de plagiat, alors qu'ils n'ont
jamais caché leurs sources ni les influences ressenties. En
ce sens, tout novateur travaillant sur un terrain non
défriché se comporte en autodidacte, même
quand il a préalablement suivi un cursus classique. Freinet
appartient à ce deuxième type, plus proche d'un
Picasso que d'un facteur Cheval.
- L'été 1922, à l'invitation de son ami
allemand Siemss, directeur (chargé de cours) d'une
école de 14 classes, il se rend en Allemagne et prend
réellement contact avec l'école de Hambourg qu'il
avait si souvent citée de réputation.
- L'été 1923, c'est à Montreux (Suisse)
qu'il assiste au congrès de la Ligue Internationale pour
l'Education Nouvelle où il rencontre ceux dont il avait lu
le nom dans le livre de Ferrière. Nous retrouvons
l'écho de ces deux voyages dans Clarté.
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