les Amis de Freinet
le mouvement Freinet au quotidien
des praticiens témoignent
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Autoformation - Coopération - Coformation


Une nouvelle approche du travail qui bouleverse les principes établis.

Je garde pour toute la vie la découverte d’un nouveau chemin pour tout le mouvement éducatif.
Je ne pourrais résumer, dans un si court espace, tout ce que j’ai appris et compris, les enthousiasmes et les révoltes qu’on y a vécus. Je dirais simplement, que je garde pour toute la vie, comme le plus merveilleux élan initiateur, la découverte de la justesse du chemin que tout le mouvement éducatif doit suivre, notre propre auto-éducation: la «dignification» du travail, en le libérant du stigmate de la «servitude» comme il est encore si naturel entre nous, pour, au contraire, le transformer en réponse aux besoins non seulement physiques mais aussi moraux et sociaux de l’homme et par conséquent la «dignification» des personnes qui se réalisent par un travail dignifiant et dignificateur.
Maria Isabel Pereira (Portugal)

Pour les maîtres, la Pédagogie Moderne a été un élément de culture. Véritables chercheurs perméables à la vie de leurs classes, ils ont mesuré devant les enfants qui montaient, la superficialité de leur propre culture. Aussi ressentent-ils ce besoin de perfectionnement et de recherche. A l’encontre de nombreux maîtres que nous ne blâmons point, ces enseignants ont choisi. C’est en toute liberté qu’ils se sont engagés au plein sens du terme. Ils ont certainement dû lutter intérieurement, douter peut-être, subir des épreuves mais qui n’ont point engendré la moindre amertume.
En compensation, ils se sont enrichis de valeurs fondamentales comme l’engagement, l’intégrité puis la compétence. Après avoir tout donné, ils ont gardé précieusement la jeunesse, le dynamisme et enfin cette joie de vivre.
Abdelkader Bakhti

Quand Célestin Freinet fit connaître ses premières réflexions sur l’éducation et apporta ses nouvelles solutions pédagogiques, il ne pensait certainement pas qu’il provoquerait des modifications importantes de comportement chez de nombreux enseignants.
Encore moins qu’un mouvement se propagerait pour développer ses idées. Et pourtant!
Même les enseignants non adhérents au mouvement se mirent aussi à réfléchir davantage sur leur pratique pédagogique.
Je me souviens que le jour où je décidai d’utiliser la Pédagogie Freinet, en somme de prendre en compte les élèves avec leurs savoirs et leurs compétences, je me suis senti soulagé de ne plus être le seul détenteur du pouvoir et des connaissances. De ce pouvoir qui s’appuyait sur des connaissances institutionnalisées et figées. Les premières situations qui établirent la vie coopérative montrèrent combien les enfants pouvaient attacher d’importance à leurs responsabilités. J’appris la nécessité de la motivation pour permettre aux élèves de découvrir leurs capacités et de prendre davantage d’intérêt à leur travail. Cette motivation dont Freinet faisait souvent état dans ses écrits et ses discours, considérée à son époque comme donnée négligeable, est actuellement prise en compte par les chercheurs en neuropsychologie pour un bon fonctionnement de cerveau. Freinet prédicateur! non! Bon observateur!
Apprendre à échanger en commun, à trouver des solutions devant des difficultés, à créer, sont des démarches qui ne peuvent conduire qu’à la formation de jeunes ouverts à la mise en place et à la participation des démocraties du futur.
La pédagogie Freinet établit une telle demande relationnelle qu’elle enrichit ses praticiens. A travers les rencontres de travail, de réflexions, elle favorise la rencontre d’amis, de chercheurs en quête de savoirs nouveaux sur tout ce qui touche l’éducation et la société. Rencontres d’amis proches ou lointains, la Pédagogie Freinet n’a pas de frontières puisqu’elle porte en elle le respect des cultures multiples des différents pays du monde.
André Lefeuvre

Enfin il n’y avait plus de hiatus entre l’école et la vie. On essayait de bâtir le travail sur les intérêts et les questions des enfants, le métier devenait passionnant. On y pensait tout le temps et avec plaisir. On se retrouvait de temps en temps dans la classe d’un camarade et on échangeait dans le groupe, nos trouvailles, nos idées, nos problèmes. Ainsi chacun s’appuyait sur les autres en essayant d’apporter aussi sa pierre. Nous avions une bibliothèque coopérative et nous nous tenions mutuellement au courant de ce qui s’écrivait: non seulement les livres de Freinet mais bien d’autres.
Joseph Portier

Qu’est-ce que j’ai finalement retenu de cette longue initiation à la pédagogie Freinet?
Je peux désormais utiliser les techniques Freinet dans toute situation d’apprentissage et de formation quel que soit le niveau et l’âge des participants.
J’ai appris à poser, voire imposer le cadre pour assurer une discipline de production, grâce à certaines institutions comme le «quoi de neuf», le conseil, les présidences de séances, le secrétariat, etc...
J’ai également appris à écouter les étudiants, à m’effacer en tant qu’intervenant, à soutenir la prise en charge coopérative des apprentissages.
J’ai appris à ancrer tout apprentissage autour d’une production individuelle ou collective, à faire et à faire faire une production publiable qui respecte les exigences élémentaires du lecteur et de l’édition.
J’ai enfin appris que la communication et la production doivent primer tout travail, l’apprentissage ne pouvant jamais être l’objectif premier d’un cours, mais seulement le résultat d’un processus de production.
Je crois, j’ai ainsi pu devenir un enseignant exigeant, tout en gardant de l’humour et le plaisir de faire classe.
Gerald Schlemminger

J’ai compris qu’il pouvait y avoir des échanges authentiques entre les membres d’un même corps de métier sans qu’on ait recours à une autorité supérieure infantilisante.
J’ai compris que l’erreur n’est pas une faute appelant une sanction inhibitrice mais génératrice d’amélioration et de réflexion créatrice.
J’ai compris que l’enfant n’était pas un sous-adulte à dresser à l’image de l’homme et de la société mais un être à part entière, adulte responsable en devenir qu’il fallait guider, épauler, soutenir dans ses trébuchements, ses choix, ses difficultés, sans jugement de valeur et qu’on pouvait lui faire confiance.
J’ai compris que l’expression libre était indispensable à l’élaboration de la personnalité, à la libération des tensions intérieures, qui, lorsqu’elles sont apaisées contribuent à cimenter le socle d’édification de chaque individualité, que cette expression libre permettait l’éclosion d’œuvres littéraires artistiques, scientifiques, corporelles, dignes de celles des adultes et je les ai reçues comme des cadeaux.
J’ai compris que la culture n’appartenait pas à une élite et n’existait pas que dans les musées et les bibliothèques et les autres... en thèque, qu’elle n’était pas statique mais évolutive, que chaque individu, chaque groupe avait la sienne propre, que c’était un devoir de la partager avec d’autres pour qu’il y ait enrichissement réciproque.
J’ai compris aussi le véritable travail coopératif qui se distinguait de la coopé-tiroir-caisse; cette nouvelle coopérative gérait la vie de la classe: travail, discipline, bilans individuels et collectifs, conflits collectifs et mêmes personnels quand le degré de communication le permettait. J’ai aussi appris à me remettre en question face au groupe-classe.
J’ai compris et appris le partage, des connaissances, désintéressé, généreux, constructif du mouvement qui a assuré ma formation continue, qui m’a fait réfléchir sur la discipline, l’autorité, la hiérarchie, la responsabilité, sur les
finalités de l’école de la société et de la vie.
Renée Goupil

Les discussions, les appels à la presse, les expositions, les publications de la C.E.L. ont peu à peu renforcé la portée de nos paroles, nous qui n’étions pourtant qu’à la base, comme ne cessait de le dire Freinet, dans ce slogan: pour être Ecole Moderne, il nous faut bien être praticien, chercheur et militant. C’est un engagement qui, s’il n’était pas toujours absolu, a bien meublé notre temps, notre tête, nos cœurs et souvent ceux de nos proches.
Freinet était, c’est sûr, un rassembleur d’hommes. Personnellement, il ne m’a jamais dit: Fais ceci, ne fais pas cela. Vous voyez? Ce «cherche un peu, c’est par là», s’appliquait aussi à notre pédagogie, à ce qu’il appelait aussi bizarrement nos «techniques de vie». Il n’entravait pas notre liberté de choisir, ni d’assumer notre choix.
Je savourais surtout l’enrichissement dû à toutes ces voix qui se faisaient entendre, aux paroles, aux idées, à la sensibilité qu’elles traduisaient. Cela ne m’étonnait pas que Freinet dise souvent en parlant d’eux, tous les camarades: «Ils sont mon laboratoire vivant».
J’aimais en moi-même, visualiser tous ces dossiers, toutes ces lettres, tous ces essais, qui sillonnaient les airs et convergeaient vers Freinet, qui savait puiser, synthétiser, propulser en action toutes ces énergies.
Qui n’a pas rencontré Freinet, même sur le parquet reluisant de la C.E.L. modernisée, avec sous son bras, un grand cageot de courrier national et international, noms modestes ou grands noms des sciences humaines, auxquels il répondait de sa plume? Le cageot de Freinet!
Ça ne s’invente pas, ça ne s’oublie pas.
J’ai plus écrit à Elise qu’à Freinet dans un premier temps, très vite après le stage de 1946, elle m’avait demandé de communiquer au petit Educateur rose, mes essais réussis ou non aboutis que je faisais dans ma «ruche», trop pleine d’enfants, mais vide de commodité et de matériel.
Le premier article, je lui ai demandé d’en faire le plan! Elle m’a fait prendre confiance et j’ai compris qu’en écrivant on pouvait aider sans être aidé.
J’ai essayé, je ne savais pas que je pouvais le faire, c’était cela aussi le brassage de camarades avec tous leurs fonds secrets: la Communication.
Un jour un représentant d’une très renommée Maison d’Edition de manuels scolaires, me trouve en classe, en train de défaire un sympathique colis de correspondance avec le val d’Aoste et d’épingler sous le panneau «Géographie de l’Amitié» des petits sachets de pain montagnard qu’on garde six mois, de fromage «Fontina» fromage des vallées... des textes, des photos de la Valpeline.
Il me dit: «Ah! Quand les instituteurs du mouvement Freinet se décideront-ils à travailler pour nos éditions. Vous seriez bien rémunérés car vous faites avec vos B.T. un travail remarquable.»
«C’est que, je réponds, nous, nous le faisons sans être payés!»
Au fil des rencontres, des congrès, je faisais connaissance avec une démarche que j’ai trouvée passionnante. C’est celle qu’avait pratiquée Freinet, dès la fin de la guerre 1914. Faire participer les enfants à l’acquisition des connaissances. Cela avait donné avec l’aide de nombreux adhérents, la création coopérative de notre C.E.L. qui éditait, entre autre les Bibliothèques de Travail partant des recherches et enquêtes des enfants elles revenaient enrichir les documents «pour les enfants». Même à l’extérieur, on reconnaissait que la C.E.L. n’avait guère d’équivalent quant à la générosité du but, à l’engagement personnel des coopérateurs, et à la valeur pédagogique des brochures éditées.
Paulette Quarante

Que représente donc Freinet pour moi? Je le confirme: avant tout, ce formidable mouvement coopératif qui lui a survécu, fait unique dans l’histoire des grands pédagogues. Un mouvement pédagogique d’une rare richesse - je pense aussi à nos camarades hors frontières de la F.I.M.E.M.. Aux antipodes du reproche souvent entendu: les «Freinétiques» constitueraient une chapelle. Car, très familier du monde associatif, je puis dire que je n’ai jamais rencontré autant d’ouverture, de respect des convictions de chacun, combinés à une telle recherche de la critique dialectique. Bien sûr, l’I.C.E.M. a des spécificités. Elles découlent d’ailleurs, de la personnalité de Freinet et des valeurs qu’il défendait. Peut-être certains aspects pourraient-ils alors être considérés comme étranges. Pas pour moi qui pratiquais déjà ces bizarreries avant 1966: préoccupations écologiques et naturistes, végétarisme, culture biologique, Espéranto, pacifisme engagé - résistant et non bêlant... J’ai certes aussi adopté à l’Ecole du Pioulier le «choc froid» dans la piscine, au saut du lit, en toute saison. J’ai également quelques tics de langage: en réalité ceux-ci recouvrent des concepts forts que beaucoup, hors même du champ pédagogique, se sont appropriés en oubliant ou méconnaissant leur origine: art enfantin, expression libre, tâtonnement expérimental, périodes sensibles, travail individualisé....
Si la fraternité coopérative reste pour moi l’un des traits fondamentaux de la pédagogie Freinet, c’est qu’elle s’établit autant entre enfants, entre adultes, qu’entre adultes et enfants. Jamais je n’ai ressenti de relations hiérarchiques - de type paternaliste, par exemple - dans l’I.C.E.M.. Les nouveaux y sont considérés très sincèrement par les anciens comme des égaux, riches de leurs potentialités. C’est ainsi que dès ma première année d’enseignement, je me retrouvai co-animateur de stages et que très vite je pus participer à des chantiers de production d’outils. A moi de traduire alors le même souci d’horizontalité dans ma classe comme dans l’école.
Ce défi est-il plus difficile dans mes nouvelles fonctions? Sur le fond, non, puisque je me fonde sur les mêmes principes que ceux qui me guidaient en classe (droit des enfants, droits de l’Homme, clarté des rôles, transparence, empathie, rigueur...), principes que je trouve condensés dans l’aphorisme spinoziste: «Ne pas rire, ne pas maudire, ne pas désespérer mais comprendre.» Oui, en revanche, sur la forme, car il m’aura fallu rechercher plus isolément des techniques adéquates. Par exemple, je double l’inspection d’école d’un audit dont la méthodologie et la déontologie - gage de liberté réciproque - me conduisent à offrir à l’équipe - et à elle seule - un document d’analyse systémique prolongé de pistes d’évolution, lequel devient le point de départ d’une réflexion en commun pouvant ou non déboucher sur des décisions de l’équipe et une aide de ma part. Dans de telles conditions, et comme en classe avec la nécessaire prise en compte des limites de l’autocorrection, la confiance n’est pas entravée par le contrôle. Il en résulte une dynamique de progrès très encourageante. Autre exemple, l’élaboration coopérative par les enfants d’une «Charte des droits des écoliers de la circonscription de Nice VIII». Ou encore, la mise en œuvre, dans la circonscription et au sein de l’I.U.F.M., de «réseaux d’échanges de savoirs pédagogiques», directement inspirés de mes pratiques de classe Freinet et du mouvement de Claire Hébert-Suffrin, compagnon de route de l’I.C.E.M..
Fin août, je terminai ma formation professionnelle initiale parallèle et autonome par un stage d’une semaine qu’organisait le groupe départemental de l’Hérault de l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne. J’y découvris certes des techniques fort utiles mais surtout la puissante efficacité d’une association coopérative, l’authentique partage des idées, la générosité et la simplicité des praticiens accomplis. Je compris alors que la force de Freinet avait été de créer un mouvement égalitaire, d’esprit communautaire, animé par une même éthique que chaque membre déclinait différemment dans sa classe. J’appréciai profondément la confiance généreuse faite aux nouveaux venus, la richesse et la diversité des témoignages, des réalisations.
Jacques Jourdanet

Comment se fait-il que moi, petit instituteur adjoint dans ma presqu’île, j’ai pu accéder à des mondes qui m’étaient si inconnus? Ce fut, tout d’abord, l’accès à la radio avec le Concours du Meilleur Enregistrement Sonore (C.I.M.E.S.). Grâce à Guérin et Dufour, je m’étais initié à l’enregistrement magnétophonique. Et mes élèves, profitant à plein du climat de liberté que j’avais instauré, exploraient hardiment tout le territoire de l’oral et du chant. L’originalité de leurs productions séduisait toujours le jury. Avec quelle attention, certains soirs, nous écoutions le palmarès, ravis d’y voir figurer tant de copains de la famille du B.E.T.A. (Bureau d’Etudes des Techniques Audiovisuelles).
Puis ce fut le tournage, pour la télé, de notre «Enfantines»: Jean-Marie Pen-Coat, créée collectivement par mon C.P.-C.E.1. Que c’est bizarre, un tournage!
Et enfin, baptême de l’air pour aller encadrer un stage à Lévy, au Québec, avec Bambie Jugie, Delobbe et Pellissier. J’y suis retourné trois fois avec Delbasty, les Delobbe, Pellissier, Monthubert et Ueberschlag. Quelle aventure étonnante! Des officiels de la pédagogie auraient aimé y aller. Non, c’était nous, les sans-grades, qui étions désirés!
A Freinet et Elise, j’avais régulièrement soumis, pour critique, mes petites constructions théoriques. Si bien que, bien plus tard, je me suis senti suffisamment armé pour assurer des séminaires sur la pédagogie Freinet dans de très nombreux pays. Mes voyages ont été si nombreux et les relations ont été si approfondies que je me suis aperçu qu’il n’y avait plus ni instituteurs, ni professeurs, ni inspecteurs, ni Allemands, Belges, Brésiliens, Canadiens, Danois, Espagnols, Finlandais, Italiens, Russes... Mais seulement, des êtres humains. J’ai vécu ces moments de joie intense impossibles à rapporter. Ce n’était pas seulement le partage des repas, la richesse des excursions toujours accompagnées de camarades compétents, mais les expériences pédagogiques en vraie grandeur auxquelles les stagiaires participaient avec beaucoup d’élan. Et, évidemment, le plaisir de voir quelquefois subsister des traces de mon passage. Avec parfois, même, la traduction et la publication de certains de mes ouvrages.
Mais à l’intérieur de ma classe, j’ai vu s’épanouir de nouvelles techniques et j’ai pu expérimenter avec succès de nouvelles formes d’expression et de création dont j’envoyais les résultats à Elise qui m’encourageait et les publiait très souvent. Elle avait accompagné nos premiers pas en se montrant suffisamment exigeante pour que l’on ne se satisfît pas à bon compte de l’à-peu-près. Il fallait respecter les enfants et croire en leurs possibilités. Il fallait s’ingénier à créer les conditions de la libre expression sans penser qu’il suffisait de se contenter de laisser faire. Non, il fallait prendre ses responsabilités, et ne pas hésiter à intervenir au départ pour mettre le train sur les rails. Après quoi, il n’y avait plus qu’à se retirer de plus en plus pour ne pas bloquer les enfants par nos propres limitations. Nous n’avions plus qu’à nous préoccuper du soutien logistique.
Paul Le Bohec

A mesure que j’avais de bons résultats avec les nouvelles pratiques, je sentais le désir et encore plus la nécessité de les répandre, de partager avec mes collègues le Bien que j’avais découvert. Je prenais conscience que la coopération et la communication devenaient indispensables! Et les graines ont produit une très bonne récolte.
Les hommes et les femmes veulent pour leurs enfants une école bien meilleure que celle qu’ils ont eue eux-mêmes. Freinet leur a apporté l’espoir et la démonstration pratique. C’est ainsi que les choses se sont passées et ça continue. La contagion se fait par le contact, le réseau augmente, résiste aux obstacles, il devient de plus en plus fort, enrichi par les contributions de la technologie. Freinet sera toujours actuel, réel comme la vie même.
Flaviana M. Granzotto

Comme l’usage des anciens manuels scolaires d’avant 1945 étaient interdit, et des nouveaux n’existaient pas encore, nous devions nous-mêmes réaliser des fichiers de calcul, de lecture, d’orthographe des abécédaires, pour la première année scolaire et quelques fascicules pour les autres disciplines. Tout à fait dans l’esprit Freinet, nous étions quatre jeunes instituteurs à nous rassembler et à mettre au point, ensemble, tout moyen de travail pour des enfants de deux ou quatre classes.
Les imprimés créés par Freinet - BTS-BTJ - et ses fichiers de travail nous apportaient une abondance de suggestions pour notre travail scolaire quotidien dans lequel nous étions soutenus par d’anciens élèves, filles et garçons. Un fructueux échange de réflexions et une coopération authentique devait ainsi naître entre maîtres et élèves. En outre, ces pratiques pédagogiques répondaient tout à fait aux présentations déjà développées dans le mouvement de «l’école du travail» de Georg Kerschensteiner et de Peter Petersen, entre 1920 et 1933, et que Freinet connut tous, lors de ses visites à Humburg-Altona (1922) et Leipzig (1928). Ce qui manquait dans les écoles allemandes, notamment à cause de leur trop forte dépendance de l’administration scolaire, Freinet l’avait réalisé avec ses adhérents dans la C.E.L., où étaient produites, dans une très large mesure, des techniques de travail pour toutes les disciplines et toutes les classes d’âge. Une abondance inestimable de suggestions était proposée à notre travail, adaptables à nos propres conditions.
Hans Jörg

Dans notre coin naquit un groupe Freinet second degré: les idées de Freinet y circulaient et un véritable tâtonnement expérimental en même temps que beaucoup d’enthousiasme permirent l’essai de pratiques pédagogiques, conciliables avec l’institution du second degré: pédagogie de l’écoute, du respect de l’adolescent, du déblocage des forces vives, recherche d’outils de travail, réalisation de journaux, correspondances à travers la France.
Maryvonne Conan

(...) Le plan professionnel - mais peut-on le distraire du plan personnel? - le plan professionnel se trouva bouleversé par la rencontre avec Pastorello, puis Alziary, enfin Freinet. J’y ai gagné une classe vivante, heureuse, ouverte sur le monde extérieur - j’avais l’impression de mieux former mes élèves aux futurs aléas de leur vie -, plus facile à faire en fin de compte avec, évidemment, en contrepartie, une énorme somme de travail: fichiers à fabriquer, livres de base à lire, fichiers auto-correctifs à perfectionner, réunions, fouilles le jeudi avec des volontaires, voyages, théâtre, etc... Les rapports enseignants-enseignés se trouvèrent très profondément modifiés et des amitiés durables s’établirent entre les élèves et moi-même, amitiés qui perdurent encore avec des hommes et des femmes qui, à l’heure actuelle, ont plus de soixante ans.
Ce qui apparaît aussi comme remarquable reste le ciment d’amitié qui naquit d’abord entre les maîtres proches géographiquement, puis qui s’élargit à ceux de régions plus lointaines pour même déborder le cadre de la France. J’entretiens encore avec des retraités de mon âge - j’ai 73 ans - des relations épistolaires. C’est dire!...
Et puis ce furent les stages Freinet où nous encadrions des instits désireux de s’initier aux techniques de l’imprimerie à l’école, en particulier celui de Boulouris, la présence dans ma classe de futurs enseignants venus parfois de l’étranger, les conférences sur les Techniques Freinet dont l’une m’entraîna à Lausanne, en Suisse. Enfin la tenue, pendant toute une année, de la rubrique pédagogique de l’Ecole Emancipée, rubrique alors sous la responsabilité d’Hélène Bernard, de Marseille.
Raymond Jardin

Célestin allait être le compagnon majeur avec lequel j’ai compris ce qu’était l’Education, éducation, enseignement des enfants, mais aussi éducation de soi, par les contacts avec les enfants d’une part, et, d’autre part, grâce aux rencontres avec des camarades participant aux travaux de l’I.C.E.M..
Certains camarades ont surtout creusé dans des disciplines différentes tout en maintenant la polyvalence des techniques dans leur classe: l’un, curieux d’histoire, savait emmener ses enfants vers la recherche ; l’autre de formation plutôt scientifique, initiait de façon très pointue ses élèves à l’observation, un autre obtenait dans sa classe de superbes peintures. Mais tous donnaient avant tout, la parole ou favorisaient les actions des enfants qui leur étaient confiés.
Fernand Lecanu

Pour moi, Freinet est comme un mariage qui chaque jour apporte plus d’affinités et me procure ainsi des interrogations sur les différences existantes dans les quelques vécus de mon expérience, au Nord-Est du Brésil. La richesse pédagogique et existentielle qu’apporte la Pédagogie Freinet m’a apporté des joies grâce aux possibilités acquises mais en même temps, je constate la différence de notre histoire dans le temps et dans l’espace. Mais je surmonte ces différences quand je vis les principes de base de la Pédagogie Freinet: liberté d’expression, coopération, tolérance, respectant la démarche de chaque élève et de chaque professeur en liant l’école et la vie, le changement des habitudes avec une quête constante de nouvelles expériences m’entretiennent en apprentissage continuel. L’apprentissage avec les écoles de favelas a été difficile et je me sentais faible devant les difficultés en étant éloignée mais j’y suis toujours retournée car je crois que le travail avance.
Me sentir en processus d’apprentissage constant m’apprit comme à Célestin Freinet et à ses amis que le savoir n’est pas la propriété de quelques-uns mais qu’il est à la portée de tous... Continuer mon chemin et apprendre chaque jour de ma vie pédagogique et personnelle font de moi «un éternel apprenti».
Fatima Morais (Brésil)

Ce n’est pas seulement Freinet qui nous a apporté, mais le Mouvement Freinet tout entier. Bien sûr, Freinet en est à l’origine, mais les pionniers qui l’avaient rejoint avaient le même ESPRIT.
L’expression libre dans ses divers domaines, m’amenait souvent à me poser des questions sur les réactions de tel ou tel enfant, sur... peut-être ses problèmes. Comment les déceler? Comment l’aider? D’où le besoin pour moi de me documenter davantage, de travailler à la commission «Connaissance de l’Enfant».
La correspondance, les échanges, le travail au sein d’équipes diverses, les stages, les congrès ont tissé entre les camarades des liens qui sont allés se renforçant au cours des années.
Sacrifier une semaine de vacances pour un stage, payer de ses deniers stages et congrès, non ce n’était pas un sacrifice. C’était avec joie qu’on s’y préparait, qu’on y participait pleinement, emportant documents, travaux... à soumettre à l’appréciation des autres, toujours dans l’espoir d’aider le Mouvement à aller plus loin.
Pour ceux des années 1950-70, c’est toujours avec la même joie qu’on se retrouve - stages Guérin, Rencontres Espéranto...-, parfois après des années d’éloignement, et qu’on est encore prêts à se remettre au travail ensemble.
Pendant l’été 1947, Paul suivit le stage Freinet à Cannes. Il consacra, en outre, bon nombre de jeudis à la correction des projets de B.T.. Le Chanvre (n°133) qui sortit en décembre 1950, puis l’Architecture Renaissance en Touraine (n°389) pour lequel il prit également des photos (travail de longue haleine qui ne fut publié qu’en janvier 1958!). En 1957 était créé le supplément S.B.T., puis B.T.Son en 1960, B.T.J. en 1965, B.T.2 en 1968 et Périscope en 1983 pour les collégiens et lycéens, J.Magazine en 1979 pour les enfants qui commencent à lire, Grand J. en 1990 pour les sept-neuf ans.
Dans notre milieu forestier, les animaux, la chasse à courre donnaient lieu à de nombreuses études et de recherches. En février 1956, l’hiver étant très rigoureux les enfants du C.E. s’étaient apitoyés sur le sort des cerfs dans la forêt enneigée. Chaque jour, apportant une nouvelle idée, une nouvelle aventure, peu à peu est née l’histoire de Faon-Faon, à la fois pleine d’imagination et de détails réels pris sur le vif. Depuis sa naissance au creux d’un taillis empli de violettes et de coucous, chaque jour une nouvelle page agrémentée de dessins allait s’ajouter aux autres, sur le mur. Il en est résulté la B.T.J. n°29, Cerfs, Biches et Faons, parue en 1968, mais dépouillée de toute la poésie de l’album original.
Dans les cahiers de roulement, les circuits, les diverses équipes de travail, nous avons maintes fois vérifié cette formule chère à Freinet: «Travailler ensemble». Chacun exposait son travail, ses échecs aussi bien que ses réussites, ses problèmes. Tous profitaient des expériences des autres et s’enrichissaient mutuellement de leurs connaissances dans des domaines divers. - ex. après le stage de Grandmont, le cahier avec Emile, Le Gal et d’autres -.
En travaillant ensemble, on apprenait à se connaître, à s’apprécier, même quand on n’était pas d’accord, n’hésitant pas à apporter sa critique dans un but constructif. - Je pense à des critiques faites lors de démonstrations, qui voulaient surtout montrer aux nouveaux des écueils à éviter -.
Denise et Paul Poisson

Après la mort de Freinet, pour répondre au désir d’Elise de multiplier les manifestations ICEM dans diverses régions de France - Congrès régionaux -, nous avions mis sur pied, à Brest, durant les vacances de février 1969, les Journées d’études régionales ICEM pour tout l’Ouest. Elles devaient être un moment de réflexion et de discussion sur la pédagogie Freinet.
Lors de la dernière journée de travail à laquelle participait l’Inspecteur d’Académie du Finistère, Madeleine Porquet, Inspectrice des Ecoles Maternelles, et militante du Mouvement Freinet, lui a demandé:
- «Accepteriez-vous la création d’une Ecole Pédagogie Freinet?»
Favorable à cette «Unité Pédagogique», l’Inspecteur d’Académie a donné son accord de principe... si une école s’ouvrait, à Brest par exemple.
Nous avons attendu plusieurs mois... Une réponse affirmative est parvenue au Groupe finistérien de l’Ecole Moderne, début décembre 1969. Une école devait s’ouvrir à Kérédern, un quartier neuf de Brest, à la rentrée scolaire 1970-71, cinq classes devant fonctionner à cette date.
Le 5 février 1970, le Groupe ICEM du Finistère, en Assemblée générale, précisait les conditions de notre acceptation:
l - L’équipe d’animation de cette école constituerait une «Unité Pédagogie Freinet», avec la liberté donc d’expérimentation dans le cadre de cette pédagogie.
2-L’équipe proposée - 5 camarades de la région brestoise appartenant au Groupe ICEM 29 et volontaires pour vivre l’expérience - devrait être nommée «en bloc». Nomination globale de l’équipe et non nomination d’individus.
3-L’école fonctionnerait avec un effectif maximum de 25 élèves par classe.
Après les incontournables péripéties administratives et surtout syndicales, la création de l’Ecole Pédagogie Freinet de Brest-Kérédern fut acquise à 1’unanimité, lors du Comité Technique Paritaire des 24 et 25 février 1970.
Au Mouvement du Personnel de juin 1970, chacun des cinq volontaires a ainsi formulé sa demande de mutation: Je sollicite ma nomination à l’école Pédagogie Freinet de Brest-Kérédern au sein de l’équipe présentée par le Mouvement de l’Ecole Moderne du Finistère: Emile Thomas, Mimi Thomas, Marie-Louise Donval, Jacques Bachelot, Denise Cévaër. Je retire ma candidature si l’équipe entière n’est pas nommée.»
Finalement, nous avons été tous nommés et même au barême.
Nous commençons donc à cinq notre vie d’équipe Freinet à la rentrée 1970-71.
Les deux premières années se déroulent dans une vieille école désaffectée d’un autre quartier et qui a un petit air d’école de campagne, en attendant la construction de l’école dans laquelle nous devrons normalement fonctionner mais sur l’architecture de laquelle nous ne pourrons hélas influer. Pourtant, les enfants avaient imaginé de nombreux plans!
Et nous allons tâtonner!
- Cinq maîtres qui vont travailler ensemble, échanger...
- 75 enfants (lère année de 1’école) venant de 23 écoles différentes et dont le nombre va aller en augmentant comme celui des maîtres.
- Des parents à qui nous devrons expliquer une pédagogie différente de celle qu’ils connaissent, que nous devrons convaincre... Malgré l’opposition de certains, nous finirons par en convaincre la majorité.
Ce tâtonnement général va faire naître:
- les conseils coopératifs de classe et les conseils d’école pour établir les règles de vie, discuter les projets...
- nos réunions hebdomadaires entre enseignants, sur tous les problèmes qui se présentent, en plus des réunions informelles à 2, 3...après la classe.
- nos réunions avec les parents et même des réunions de parents entre eux, à l’école.
-l’ouverture entre classes pour différents ateliers au niveau de l’école. Exemple: réalisation d’une fresque murale dans le préau (25 à 30 mètres de long).
- l’ouverture aux parents qui animeront aussi des ateliers.
- l’ouverture à d’autres intervenants.
- l’ouverture à des enseignants intéressés par notre pédagogie.
- les relations avec le Centre Social voisin où nous avons, un moment, organisé des ateliers pour les enfants du quartier le mercredi après-midi.
- des activités avec un groupe en recherche des Eclaireurs de France...
- Nous participerons même à l’installation d’un marché bio dans le quartier en soutenant de jeunes agriculteurs.
Peu à peu, nous réussirons à créer un climat de confiance qui annule rapidement les rapports hiérarchiques dans l’école, facilitant ainsi, les relations à tous les niveaux. Mais malgré un inspecteur sympathisant, nous ne réussirons pas à faire établir d’autres critères d’évaluation de notre travail que l’inspection traditionnelle.
A la rentrée scolaire 1972-1973, nous intégrons l’école neuve «style caserne». Il y a dix classes, donc dix maîtres. Un peu plus tard, nous obtiendrons une classe de perfectionnement que rapidement nous allons transformer de notre propre autorité, celle de l’équipe. Les enfants qui administrativement devraient s’y trouver restent dans les classes dites normales, la maîtresse de perfectionnement les recevant à tour de rôle par petits groupes pour un soutien déterminé, même d’autres enfants iront y chercher un «p’tit coin tranquille».
Nous étions forts de nos idées et nous avons beaucoup travaillé et malgré l’architecture de l’école, une vie agréable pour les enfants s’est établie même si, de temps en temps, il a fallu faire le point ensemble, enfants et enseignants. La vie de plus de 200 enfants ne s’organise pas comme pour 75.

Un extrait de la Charte de l’équipe
L’équipe pédagogique de Kérédern est constituée d’enseignants volontaires pratiquant la pédagogie Freinet dont ils respectent les principes fondamentaux et qui s’engagent à adhérer à ses projets pédagogiques et institutionnels.
Sur le plan pédagogique, les membres de l’équipe rappellent leurs démarches actuelles:
- l’apprentissage de la lecture sur au moins deux ans
- le respect du rythme de chaque enfant par le travail individualisé et l’harmonisation des programmes
- le soutien pédagogique apporté de façon non-discriminatoire
- la libre utilisation de la bibliothèque d’école, outil de travail privilégié
- l’existence d’ateliers décloisonnés, animés par des parents
Sur le plan institutionnel: la vie coopérative et la gestion collective de l’école...
au niveau de la classe:
élaboration en commun des plannings quotidiens ou hebdomadaires, des règles de vie du groupe classe, d’une organisation matérielle propre au groupe.
au niveau de l’équipe:
la mise en place de commissions chargées de l’administration, des finances, des relations avec l’ICEM, de la bibliothèque, des relations avec les parents d’élèves, de la vie syndicale la mise en place de réunions fixes hebdomadaires (problèmes administratifs) et de réunions pédagogiques.
au niveau de l’école:
existence d’un conseil d’école (délégués de classes et représentants des maîtres) qui statuent sur les règles de vie de l’école, les projets pédagogiques...

Ce qui a, peut-être, été le point d’orgue pendant ces années, c’est notre bibliothèque.
Au Congrès Freinet d’Aix-en-Provence, à Pâques 1973, où nous présentions une exposition sur le thème «L’ouverture de l’école», nous avons participé aux débats animés par Colette Marchand sur l’importance d’une bibliothèque et visité l’exposition présentée par «La joie par les livres» «Echanges et bibliothèques». Nous nous portons volontaires pour l’expérience d’une bibliothèque à l’école qui serait offerte par Echanges et bibliothèques.
Après diverses tractations avec l’Inspecteur, la Municipalité, la bibliothèque municipale et Mme Gruner Schlumberger présidente d’Echanges et bibliothèques, celle-ci nous informe, le 3 mai 1974, qu’elle nous fournit la somme de30 000F pour l’achat de livres, la Municipalité brestoise fournissant la même somme d’argent pour l’aménagement de la grande salle de l’école.
Et l’aventure commence.
Une bibliothécaire de l’Association qui la paie vient travailler de septembre 1974 à la fin de l’année 1975. Pendant trois mois, sous sa direction, des mamans vont travailler avec elle pour l’étiquetage, la couverture des livres, la préparation des fiches...
En janvier 1975, les enfants prennent possession de ce lieu qui va devenir le cœur de l’école. Ils en deviennent les utilisateurs à part entière, avec l’aide de la bibliothécaire, des «bibliomères», d’un enseignant déchargé d’une partie de sa classe - mi-temps -, et d’Emile le «bibliogrand-père» qui, ayant pris sa retraite l’été 74, va pendant six ans travailler à la bibliothèque, bénévolement bien entendu, les après-midis du mardi et du vendredi.
Nous n’étions pas peu fiers de notre trésor que sont venues visiter de nombreuses personnes militant dans différents quartiers de la ville, lorsque la bibliothèque a pris sa vitesse de croisière.
Avant cela, les enfants, les adultes ont tâtonné pour organiser l’utilisation des 4000 documents: BT, livres, documentaires, albums, etc...
Il a fallu établir des règles, et plusieurs conseils de classe, d’école, et réunions avec les parents ont été nécessaires. C’est que le passage à la bibliothèque était intégré librement dans le plan de travail des enfants et il fallait éviter l’encombrement.
Nous avons vu se développer le plaisir de lire, l’autonomie des enfants, la collaboration entre petits et grands, leur responsabilité dans le respect du livre - oh! bien sûr, il a fallu de temps en temps faire ensemble des mises au point: soigner les livres, ne pas faire de bruit etc...-, un dialogue plus authentique entre les mamans qui travaillaient avec tout ce petit monde. Des parents de milieu simple, ayant vaincu leur timidité pour venir aider se sont sentis valorisés.
Ça n’a pas toujours été un chemin de plaine, et il a fallu affronter quelques vicissitudes, chercher des solutions au départ de la bibliothécaire, au manque d’instituteur détaché, etc...
Les années ont passé. Malgré diverses circonstances défavorables: vieillissement du quartier, opposition larvée contre une pédagogie différente, problèmes avec l’Administration..., 25 ans après le démarrage de l’école, l’équipe Freinet existe toujours avec sa bibliothèque. L’école a été transférée dans un autre quartier de Brest où elle jouit maintenant d’un environnement plus agréable. Il y a actuellement cinq classes.
Il nous arrive à tous les deux et à notre amie Marie-Louise de nous y retrouver. Quelques camarades avec qui nous avons travaillé, Annie, Yvon, Youenn... sont toujours là.
Mimi Thomas et Emile Thomas

Les années passées dans l’équipe pédagogique de Kérédern à Brest furent essentielles dans ma quête d’une technique de vie. Elles m’ont apporté d’autres perceptions et perspectives dans le domaine de l’éducation.
En même temps que je participais à de nouvelles pistes d’activités, élaborées par l’équipe, la recherche d’une autre organisation structurale de l’école a très vite ouvert d’autres horizons: la création d’une bibliothèque lieu de vie permanent, le décloisonnement des classes, l’école ouverte sur le quartier, le cheminement vers l’équipe élargie impliquant toutes les personnes ayant quelque rapport avec l’établissement, ont exigé un énorme travail de réflexion et de mise au point... D’où des moments très heureux, entrecoupés de confrontations parfois houleuses. Mais aussi le sentiment pour tous les membres de l’équipe, je crois, d’avoir réussi malgré une architecture et un environnement figés, la construction d’une Ecole plus vivante et plus conforme aux besoins et aspirations des enfants. Et ce, malgré certaines critiques, suspicions, hostilités.
En retraite depuis 1983, j’ai, depuis deux ans, été sollicitée par les enseignants de l’école Freinet brestoise pour animer un atelier dans le cadre d’activités décloisonnées. Et je m’y sens bien, malgré l’aspect peut-être un peu désuet de mon atelier «bricolage»... et les enfants aussi, d’ailleurs, y donnent libre cours à la création.
Autre constatation: admirative devant l’apprivoisement par tous, les enfants comme les maîtres, des outils modernes de communication, je décèle toujours dans le bouillonnement de leurs motivations et recherches, la pérennité des principes fondamentaux énoncés par Freinet... Particulièrement ouverture sur le monde.
Marie-Louise Donval

Les membres de l’école de Kérédern ont consacré plusieurs séances de réflexion aux conditions et aux principes de l’inspection. Ils ont décidé d’élaborer et de soumettre le présent projet:
Notre pratique pédagogique nous conduit à remettre en cause le principe de la hiérarchie.
- D’une part, nous travaillons en équipe pédagogique. Tous les membres de l’équipe sont partie prenante dans les conceptions pédagogiques de chacun. De nombreuses décisions sont le résultat d’une réflexion collective. La classe de soutien en est un exemple précis. La responsable de cette classe n’a pas décidé seule de la forme de travail adoptée, mais elle a auparavant réuni les enseignants de l’équipe et élaboré avec eux les structures de sa classe.
- D’autre part, l’un des grands principes de notre pédagogie consiste à établir avec l’enfant des relations amenant à une remise en cause de la hiérarchie dans nos classes.Tout est basé, au sein de la communauté classe, sur une vraie coopération, qui, pour nous, consiste en une prise en charge, par la classe tout entière:
- de l’organisation de son propre travail.
- du contrôle des diverses activités
- de l’élaboration de ses propres règles de vie.Comme nous tentons de changer les rapports enseignants-enseignés, nous pensons qu’il est nécessaire d’étudier et de modifier les rapports inspecteur-inspecté.Nous ne pouvons accepter l’inspection individuelle et l’arbitraire du rapport et de la note. C’est pourquoi nous avons pensé qu’il était nécessaire de proposer à l’administration une nouvelle forme de relations. Notre réflexion nous a amenés à envisager:
- le refus de l’inspection
Ce choix n’est pas envisageable en équipe pédagogique.
- l’inspection collective: elle répond le mieux à nos aspirations d’équipe. Elle nous amène à nous poser le problème de la notation: nous acceptons une note dans la mesure où celle-ci n’est plus la sanction d’un travail, d’un choix idéologique
- la note serait attribuée en tenant compte uniquement du critère de l’ancienneté.
Il apparaît dans cette prise de position face à la note que nous ne pouvons plus avoir avec l’administration des relations hiérarchiques. Nous pensons que celles-ci devraient être d’une autre nature.
L’IDEN est avant tout un conseiller pédagogique, en particulier lorsqu’il rend visite à un instituteur.
Pourquoi, dans ces conditions, ne viendrait-il pas à l’école dans le cadre de visites motivées par des propositions de travail ou de réflexion sur des thèmes, comme par exemple la bibliothèque de Kérédern et la lecture, etc.....
L’inspecteur, s’il le désire, pourra venir dans nos classes et ses visites auront un caractère identique à celui des nombreuses visites que nous recevons et acceptons tout au long de l’année (parents d’élèves - psychologues - normaliens).
L’Equipe de Kérédern

En septembre, les enfants ont très vite appris que j’étais nommé sur le poste de directeur et n’ont pas manqué de me saluer, un peu ironiquement je dois le dire, d’un «Bonjour monsieur le Directeur».
Eh! oui, c’est mon tour cette année et pendant deux ans encore, il faudra que j’assume le nom de Directeur.
- Comment ça, pendant deux ans seulement?
- Ben, oui. Chez nous, ça tourne, comme on dit. L’équipe des instituteurs - nous sommes 5 - s’est mise d’accord pour que la vie de l’école soit prise en charge par l’ensemble des instits, tâches matérielles, administratives et pédagogiques.
Cela rappelle, me dit-on, une gestion collégiale. Autrement dit, le directeur n’est pas vraiment le directeur. Il représente l’école parce qu’il en faut bien un, mais tout le travail est partagé entre les 5 instits. Vous voulez des détails? Bon.
Tout d’abord, une réunion hebdomadaire du mardi après la classe nous réunit tous. S’y joignent également la C.E.S. employée à la bibliothèque. Nous passons en revue les différents problèmes qui se sont présentés à nous, lisons le courrier de la semaine pris en charge à tour de rôle par chacun, ou selon ses disponibilités. C’est un moment important car c’est là que se prennent les décisions et que s’organise la semaine à venir, que se répartit le travail à faire.
Par exemple,. Annie s’occupe des finances. Ce qui ne veut pas dire qu’elle décide de dépenser toute notre fortune, celà se décide en commun. Chaque classe a des besoins particuliers en fin et en début ou au cours de l’année et chacun estime pour sa classe les commandes à réaliser. Annie rédige les conseils d’enfants qui paraissent dans le journal des enfants «Chipie La Galette». Elle range tous les papelards dans le bureau où il y a toutes les archives.
Quelqu’un d’efficace donc et d’hyper organisée. Yvon, quant à lui, a la prérogative d’être souvent l’animateur de nos réunions, réunions de parents, du conseil d’école.... eh, oui, il cause bien, sait synthétiser, laisser le débat se dérouler sans trop de digressions et permettre aux arguments des uns et des autres de s’exprimer. Ce n’est pas systématique car là aussi on essaie de tourner et d’animer à tour de rôle.
Maryse s’occupe de la rédaction du «Chipie-Infos», la «feuille de chou» que reçoivent chaque lundi les parents d’élèves. Lien indispensable pour une bonne intormation entre les partenaires de l’école. Travail fastidieux certes quand il faut rédiger et mettre en forme les articles des uns et des autres et avoir la vigilance de ne rien oublier chaque semaine. C’est la mémoire du groupe en quelque sorte. Loïc et moi n’avons pas vraiment d’attribution particulière. Et oui, c’est comme cela. Alors que faisons-nous? On n’arrête pas... Entre les différents courriers à rédiger pour la mairie ou l’inspection, les coups de téléphone pour répondre ici et là, s’occuper des relations avec les syndicats, il y a de quoi faire.
Et puis... et puis... ce n’est pas tout. En effet, le directeur reçoit une indemnité supplémentaire. Et si vous vous distribuez le travail de direction, que devient cette indemnité, me direz-vous?
Eh bien! elle aussi est mise à la disposition de l’équipe et est utilisée chaque année selon les besoins du moment ou bien on en discute l’utilisation pour plus tard.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur l’équipe de l’école Freinet. Travailler de cette manière permet à chacun de se sentir soutenu, d’avoir un rôle à part entière au sein de l’école et de faire partie d’une dynamique collective indispensable à la bonne marche de l’école.
Youenn Tempéreau

Il y a bien longtemps déjà Célestin Freinet déballait au sein de sa classe de campagne les premières casses d’imprimerie, réalisait ses premiers journaux d’enfants, engageait la première correspondance scolaire, avec René Daniel, instituteur finistérien.
C’était là l’illustration vivante de trois grands principes fondateurs de la pédagogie initiée par Freinet, créer, s’exprimer et communiquer, puisés à la source des besoins fondamentaux de tout individu en devenir.
Textes imprimés, journal, correspondance, ces techniques comme on les a appelées avec parfois un effet réducteur pervers, se sont affinées au cours des années, mûries grâce aux échanges d’expériences coopératives de tous les instituteurs qui les pratiquaient, pour devenir des outils adaptés à leur époque....
...époque désormais bien révolue, qu’on le regrette ou non, qu’on se sente ou non gagné par la nostalgie de ces petits caractères de plomb manipulés avec soin, de l’odeur éthérée des encres grasses ou du coup de langue sur l’enveloppe pour les «corres», déposée précautionneusement dans la boîte aux lettres.
Car il faut bien le reconnaître, la cybernétique a fait une entrée fracassante dans les classes Freinet. Il ne se passe plus de jour sans que s’entendent les bips discrets des ordinateurs ou le ronronnement incessant des imprimantes!
Le journal scolaire est passé à la moulinette du traitement de textes, le scanner avale dessins et photos des enfants, le fax avale et régurgite leurs échanges, des foisons de messages télématiques débarquent dans nos classes tous les matins, bientôt le mail électronique avec l’escuela Freinet de Mexico sera un jeu.... d’enfants grâce à Internet!
Non, tout ceci n’est pas le boniment illusoire d’un représentant en matériel informatique branché, ces outils ne fonctionnent que soutenus par la trilogie de départ et ne sont qu’à son service, créer, s’exprimer et communiquer de façon authentique.
On n’a jamais vu l’outil créer le besoin, par contre création, expression et communication ne manqueront pas et ne manquent pas d’être dynamisées par ces outils nouveaux donc prometteurs.
PS.: que les nostalgiques se rassurent, les casses de plomb de nos vieilles imprimeries Freinet et nos limographes sont toujours fidèles au poste!
Yvon Gac

Employée en tant qne C.E.S. je m’occupe de la bibliothèque. Ayant fait des études supérieures, mon statut me fait pester quelquefois, mais j’estime avoir de la chance de faire quelque chose qui m’intéresse et dans un milieu où je suis considérée. Je me passionne vraiment pour le travail autour des livres et le public d’enfants est toujours surprenant. A l’école Freinet, la bibliothèque a une place importante dans la pédagogie. C’est agréable de voir qu’elle est bien exploitée. Il ne s’agit pas seulement d’un lieu où les enfants peuvent emprunter un livre mais d’un lieu vivant où l’on apprend à être autonome dans ses recherches documentaires, un lieu agréable où l’on aime se retrouver autour d’un livre.
La bibliothèque est un peu la plaque tournante de l’école où l’on sait qu’on peut trouver une oreille attentive à toutes sortes de problèmes.
En fait, c’est chouette de trouver sa place dans cette école si dynamique où tout est basé sur l’échange, le dialogue et l’écoute.
Laure Bertucci

Le journal, outil essentiel, avait besoin des nouvelles techniques pour être imprimé plus fréquemment.
Ces nouvelles techniques, on savait bien ce qu’elles étaient, mais les instituteurs n’étaient pas très «branchés ordinateur».
C’était en 1990 et l’opportunité existait depuis peu: embaucher et payer un C.E.S. sans se ruiner. L’association de parents fut rapidement convaincue et je m’installai avec l’ordinateur, le fax, la photocopieuse et le téléphone dans la «Salle Informatique et Communication».

Les communications à l’école Freinet.
- Le journal des enfants (hebdo).
- Le journal d’infos adultes (hebdo).
- La distribution dans les classes des fax qui nous parviennent.
- La distribution dans les classes des messages minitel.
- La distribution dans les classes du courrier.
- La rédaction des fax, lettres, messages minitel.

Ma salle fonctionnait, comme la bibliothèque, en atelier permanent, lieu où l’enfant va seul pour y faire ce qu’il a à faire, souvent taper un texte pour le journal, expédier un fax ou préparer un message pour le minitel.
Toutes les écoles Freinet ou presque ont leur journal. C’est là que les enfants s’expriment, il est lu par tous ou presque, et les parents ne sont pas les derniers à le lire. Tout à l’heure un enfant de l’école me parlait de ses grandes vacances... «D’ailleurs, tu as dû lire ça dans Chipie, Ça se passait au Portugal, tu vois pas...? ah! bon!». On y apprend plein de choses.
La messagerie minitel, quant à elle, permet des échanges de messages courts, des petits textes, des demandes de documentation, des demandes de correspondants, des résultats d’enquête... Ces messages peuvent être tapés directement au clavier du minitel, mais l’ordinateur permet qu’on les prépare à l’avance et on gagne du temps à l’expédition, donc de l’argent. Le matin, il y a toujours un môme qui est en avance pour mettre en marche l’ordinateur et lancer le programme de récupération des messages. Les messages sont photocopiés et distribués dans chacune des classes pour être lus. Et si on veut répondre, on trouve un moment pour aller taper sa réponse! Tout cela nous paraît à nous un peu routinier, mais on se rend bien compte que ces petits font leur vie d’une manière plutôt sympa, et acquièrent une facilité à communiquer que bien des adultes leur envient.
Le lundi, c’était le jour de maquettage et de la photocopie des journaux, souvent cinq feuilles A3 en recto verso, cent trente exemplaires de chacun, pour faire des journaux de vingt pages, agrafés au milieu. Tout cela occupe quatre enfants et moi-même pendant toute la journée, sur un rythme dément. Quelle joie de pouvoir distribuer, une ou deux minutes avant la fin de la journée, ce papier que tout le monde attend! Il restera, pour le lendemain, à faire les étiquettes pour l’expédition par la poste, de trente exemplaires, à des écoles qui nous expédient leur canard, en échange. Coopération, c’est le concept primordial. Les enfants coopèrent, s’entr’aident, demandent de l’aide aux adultes. Les adultes font de même entre eux et envers les enfants.
J’ai participé à cette micro-société pendant trois années en contrat C.E.S.. où j’ai apporté mes compétences et certainement des marques de ma personnalité, j’y ai appris beaucoup et j’ai donné autant. J’ai participé à toutes les réunions du personnel de l’école (deux heures le mardi soir,. un repas à l’extérieur chaque semaine pour discuter, plus détendu, les temps de récréation....) sans compter le colloque des écoles rurales, les réunions du groupe départemental de l’ICEM. Actuellement je perçois encore mes allocations de chômeur, suite à cet «emploi» et je travaille encore pour l’école, bénévolement si on peut dire (car je ne pourrais pas le faire sans les subsides prodigués par l’ASSEDIC! qui aurait bien tort de me couper les vivres!
Henri Boitier - Chômeur

Un jour, poussé par le désir de «protéger» mes enfants de relations pédagogiques néfastes (à mon goût), je poussai la porte de l’Ecole Freinet.
Les locaux n’étaient pas moins poussiéreux, ni plus beaux que dans un autre groupe scolaire, mais j’eus la sensation immédiate qu’on y respirait un air plus frais. C’était en milieu de matinée et j’arrivais un peu en intrus. Quelques enfants circulaient et me regardaient, l’air beaucoup moins intrigué que moi qui découvrais dans leur manière d’être la marque d’une grande liberté. Cette première impression ne fit que se confirmer par la suite lorque je discutais avec les instits ou les enfants.
A «Freinet», à la base de tout, il y a le Respect de l’Autre, à quelque place qu’il se trouve. Cela, je le remarquai tout de suite et c’était déjà énorme. Mais en plus de la vie en bonne intelligence, je sentais ce désir de fédérer, d’associer, d’entrelacer les compétences, de nouer des liens entre les membres de l’école: instits, enfants, parents....
Ensuite, ce fut la très grande importance accordée à la liberté d’expression qui m’enthousiasma. Ce droit, si fondamental, est ici institué et vécu avec un rituel très solennel comme il se doit aux choses auxquelles on tient particulièrement. Mais la solennité ne brise en rien le charme de la spontanéité. Et comme ça fait du bien d’entendre un enfant dire qu’il n’est pas d’accord et pour quelles raisons il ne l’est pas!
Enfin, la pédagogie de l’école Freinet me remet en mémoire cette phrase superbe: «Apprendre sans désir, c’est désapprendre à désirer».
Aussi, quand mes enfants s’en vont ou reviennent de l’école, je me dis que «Freinet» est vraiment l’école telle que j’ai toujours désiré qu’elle soit.
Jacques Cosson. - (parent d’élèves)

Vue de l’extérieur, c’est une école absolument comme les autres: c’est-à-dire franchement pas terrible, un peu grisounette sur les bords, un peu trop anodine au milieu. Vue de l’intérieur aussi d’ailleurs: des dessins d’enfants surréalistes ou trop réalistes au choix, épinglés sur les murs. Un couloir flanqué de rires, de cavalcades et de traces de pieds sur les murs. Une cour un peu étroite un tourniquet banal. Et surtout des frimousses vieilles de sept à dix ans, absorbées dans leurs galops effrénés, ou des fronts tout plissés sur une addition un peu corsée. Une école, quoi.
Sauf que dans cette école, on ne pense pas tous les jours aux vacances, parce que dans cette école on s’y trouve bien. Je sais de quoi de parle, j’y suis allée.
Il y a un petit quelque chose qui flotte dans l’air, un petit vent qui donne faim d’apprendre, de regarder, de construire, de faire des projets, et de les réaliser, de rire et de voyager, de jouer et de travailler, de rencontrer des tas d’amis et de les aimer. De vivre, enfin. Normal, vous allez me dire une gamine de neuf ans, c’est rare qu’elle n’ait pas envie de tout ça O.K.. Mais avez-vous déjà rencontré un enfant à qui l’école donne envie d’ouvrir les yeux?
Alors bon, moi, je dis merci. Merci à mes parents d’abord qui ont eu l’idée éminemment appropriée de me mettre à l’école Freinet. Et merci à l’école pour m’avoir permis d’apprendre à mon rythme, sans être jugée ni classée instantanément dans les «bons» ou les «nuls». Merci pour m’avoir permis de développer ma propre personnalité, d’exprimer mes idées sans être obligée de rentrer dans aucun moule. Merci pour toutes les choses indispensables - étrangement extérieures au programme scolaire - que j’ai apprises: gérer mon travail toute seule, faire du ski, gréer un bateau, faire du théâtre, m’exprimer en public - cette liste n’est, bien entendu pas exhaustive - en plus des matières classiques dans lesquelles je me débrouille plutôt bien. Tout ça dans l’ambiance la plus épanouie que j’ai connue de ma vie d’accord, pas très longue. Cinqannées de bonheur. Si, si, c’est possible.
Hélène Festy - Ancienne élève - Ecole Freinet