les Amis de Freinet
le mouvement Freinet au quotidien
des praticiens témoignent
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Apport du mouvement au développement des personnalités


«La Pédagogie Freinet» donne une force et un élan qui favorisent le développement des potentialités de chacun à tous les niveaux.

Lettre à un centenaire
Si tu savais, Monsieur Freinet, tous les bonheurs que je te dois. Tous ces instants du verbe apprendre se mariant avec la vie, quand on conjugue découvrir avec aimer et puis comprendre. Ces moments indicibles où l’on ne baisse plus la tête, ni le dos, ni l’esprit. Dans une classe-liberté. Quand les enfants vivent debout, c’est qu’on a fait du bon travail. Lent et profond et jubilant comme un sillon.
Et pourtant...
Si tu savais, Monsieur Freinet, combien de fois je t’ai trahi, combien de fois j’ai dérivé sur le radeau de mes questions. De mes peurs, de mes doutes. De mon impuissance. Combien de fois je suis celui qui ne sait pas ouvrir les portes. Combien de fois je fais semblant.
Faut que tu saches, Célestin, que ton estrade de révolte, j’en finis pas de la casser. Elle repousse, elle est forêt. Elle continue à bourgeonner entre les lames du plancher. C’est que dehors elle prospère. Trop de non-vie hors de l’école. Trop de manques, d’absences, et bien trop de tempêtes. Trop d’enfants qui déjà savent plier l’échine. Ou qui hurlent au secours.
Tu vois, Monsieur Freinet, c’est toujours difficile. Ça demandera bien un autre centenaire pour que ta voix s’impose enfin.
C’est commencé, rassure-toi.
L’autre jour dans ma classe au pied des Pyrénées, les gosses ont proposé:
«Bon. Et si on allait à la mer?»
Michel Barrios

Freinet n’est pas pour moi un modèle mais le révélateur d’une grande partie de mes options fondamentales de vie.
Il m’encourage en quelque sorte à exprimer ce que je suis moi-même. Ses idées que je partage, même si elles sont contestées, m’apparaissent comme justifiant, authentifiant les miennes.
L’autorité de son action, l’importance reconnue du Mouvement permet la reconnaissance de la mienne.
Avec lui, je sens que j’aurai le courage de dénoncer, de refuser l’humiliation et l’hypocrisie. Il y a en quelque sorte, un transfert d’une parcelle de sa notoriété, dans ma propre expression de nos idées communes qui nous lient.
Tout cela me donne une force et un élan que seul je n’aurais pas pu avoir.
D’une certaine manière, j’ai l’impression que je vais pouvoir travailler à l’abri du Mouvement, sorte de confort dans l’inconfort. Je peux faire appel à des citations et des références, sortes de refuge en cas de contestation, obtenir des soutiens. Ce pourrait-être conformité, mais au contraire, c’est liberté accrue d’expression.
Je peux présenter mes travaux, non comme ceux d’un individu isolé mais comme appartenant à la recherche commune d’un groupe soudé dont les résultats obtenus par ailleurs ont quelque chose d’incontestable, confortant ainsi les miens propres.
Guy Goupil

En fréquentant les réunions, stages, congrès et différentes rencontres de commissions, secteurs, j’ai rencontré des gens qui m’ont beaucoup apporté, beaucoup aidé. J’ai acquis une confiance en moi, une assurance que je n’aurais jamais crue possible. Je me suis sentie plus à l’aise pour avoir des activités beaucoup plus importantes avec les enfants, sans craindre la critique des parents, des collègues, de la hiérarchie. Et aussi, je n’avais plus peur de me trouver face aux parents ou à l’Inspecteur car j’avais des arguments pour expliciter la façon dont je travaillais
Renée Raoux

Pour qui s’est engagé dans la pédagogie Freinet, pour qui a connu Elise et Célestin ou lu leurs ouvrages ou entendu parler d’eux par leurs proches, pour qui a intégré leurs techniques de vie, un changement radical s’est effectué dans son comportement.
Être à l’écoute des autres, travailler avec les autres, se remettre constamment en question, s’informer, se documenter en permanence, positiver toute situation, tout cela demande un effort et ne se fait pas en un jour, mais quand on est engagé dans le processus, on ne peut plus reculer.
Jacqueline Massicot

Puisque décidément, je me voyais née pour étudier de plus en plus, pour enseigner, rechercher... tout de suite, je suis arrivée à Freinet. Immédiatement, je suis tombée amoureuse pour toute la vie. Il me semblait avoir été en attente pendant toute mon existence. Avec lui, dans ses paroles, ses écrits, ses pratiques, je rencontrais la réalisation de mes rêves les plus ambitieux, tout ce que j’avais envisagé jusqu’à ce moment-là:
- Le plaisir, l’appréciation du beau dans ses manifestations les plus diversifiées.
- Le plaisir pour la recherche et la découverte.
- Le plaisir pour les sciences.
- Le plaisir pour les lettres.
- Le plaisir pour tout.
Tout était là. Ça a été le ciel! Et immédiatement la «révolution» dans mes classes. Et ce fut bon, très bon!
Je me suis réalisée mais je veux que ça soit clair, le réseau n’aurait pas été possible sans l’incontestable aide de plusieurs équipes déjà existantes et opérant bien avant ma découverte. Maîtres freinétistes qui au début étaient inconnus de moi et qui sont devenus pour moi pour toujours, pour la vie, des amis très chers qui ont donné leur collaboration, les informations, m’ont aidée! Moi toute seule, je n’aurais rien obtenu. A Freinet, à vous tous les «Amis de Freinet» un grand merci, pour moi-même et pour tous les enfants qui, pour apprendre, n’ont plus besoin d’être roués de coups.
Flaviana M. Granzotto (Brésil)

La pratique de la pédagogie Freinet et mon engagement dans le mouvement Freinet m’ont, sur le plan professionnel et personnel, dévoilé des horizons nouveaux, en m’apportant:
Tout d’abord la conscience de la dimension sociale du rôle de l’éducateur, que ma formation sous la répression militaire ne m’avait pas permis de développer avant.
Des techniques, des outils et des références théoriques qui m’ont permis de donner un sens social à ma pratique éducative.
Des recours et des procédés didactiques qui m’ont aidée à rendre mon intervention pédagogique plus cohérente avec les finalités d’une éducation démocratique.
La satisfaction de sentir l’enthousiasme et les progrès réalisés par les groupes d’enfants, d’adolescents ou d’adultes avec lesquels j’ai eu l’occasion de pratiquer les principes et les techniques Freinet, soit comme Professeur dans les cours de langue ou de formation pédagogique, soit comme Directrice d’école, soit comme Inspectrice, soit comme Conseillère Pédagogique des équipes des Centres de Jeunesse, soit comme Animatrice de groupes de formation continue.
La possibilité de sentir la force de la solidarité des amis du Mouvement Freinet dans les moments difficiles.
Le courage, malgré mes problèmes de voix, de parler sur mon travail et sur la pédagogie Freinet à des grands publics.
Le courage de publier un livre et des articles à partir de mes réflexions et de ma pratique de la pédagogie Freinet.
L’opportunité d’échanger des expériences avec des éducateurs de différents coins du Brésil et du monde et de cultiver des liens d’amitié avec eux.
L’occasion de connaître d’autres pays et d’entrer en contact avec des différentes cultures.
La force pour ne pas démissionner, malgré la perversité croissante qui se vérifie dans la société globale et les conditions de travail dégradantes de l’école publique.
L’impossibilité de me maintenir indifférente face à cette si perverse réalité brésilienne.
Maria Lucia Dos Santos

Autour de Freinet gravitaient aussi, à cette époque, Michel Edouard Bertrand et Jacques Bens. Michel, hélas, décédé prématurément, exerçait son magistère d’instituteur à l’école Freinet et Jacques devint plus tard le gendre de Freinet.
Titillés tous les trois par la poésie, nous avons fondé une revue «La Chandelle Verte» qui devait vivre plusieurs années.
D’autres rencontres plus fortuites celles-là eurent lieu encore et toujours à l’école Freinet avec des poètes de grande renommée, tels André Verdet et Jacques Prévert par exemple.
Ainsi, constamment relancée par les uns ou les autres, notre propre personnalité acquérait un meilleur développement et un relief marqué.
Le travail scolaire et le milieu où j’exerçais, Saint Julien le Montagnier, développèrent en moi le goût de la recherche pré et protohistorique. Aussitôt je fus aidé, encouragé, soutenu par des collègues de notre mouvement disséminés dans toute la France, en particulier Gilbert Lobjois et Grosso. Sans devenir un spécialiste, j’ai acquis en ces deux domaines un potentiel de connaissances suffisant pour des travaux scolaires approfondis et pour entreprendre des recherches assez poussées pour intéresser des revues aussi spécialisées que «Gallia».
Raymond Jardin

La relation humaine franche, mais respectueuse, sans triche, ni démagogie, voilà l’une des clés de mon parcours. J’ai appris à voir au delà des murs de l’école et à m’impliquer dans des démarches et actions en concordance avec la philosophie du Mouvement de l’Ecole Moderne.
Si je ne suis pas parvenue à évacuer complètement le manque de confiance en moi indéracinable et ma tendance à l’insatisfaction, je sais que mon cheminement aux côtés des amis de l’I.C.E.M. a donné un sens à ma vie professionnelle. Je sais de plus que les principes inclus dans la pédagogie de Freinet ont, à maintes reprises, influé sur mon attitude face à certaines situations de ma vie personnelle et familiale.
Ce faisant, au fil des réunions, stages, congrès, j’ai appris à remettre en cause mes a priori pédagogiques, à me laisser emporter par les initiatives, les recherches et les projets des enfants. J’ai appris également à écouter, à prendre en compte les comportements des uns et des autres, à percevoir, dans ma classe, les situations qui permettraient au groupe de progresser dans son organisation et à réfléchir sur ma place, mon rôle dans ce groupe.
J’ai appris encore à deviner sinon percevoir les attentes, les insatisfactions et inhibitions et à tenir compte de la personnalité de chacun. Et ce fut là, sur le terrain, une véritable école de psychologie.
Marie-Louise Donval

Quelqu’un s’est convaincu près de moi de la valeur thérapeutique incontestable de la pédagogie Freinet, Marcel Gouzil, qui a décidé d’exploiter ses observations. Nous sommes désormais liés d’amitié. Amitié qui a trouvé sa source dans la complémentarité de nos personnalités et ses effets dans notre estime réciproque. Je ne serais plus jamais seul dans mon coin sur le plan professionnel. Le dynamisme de Marcel, son entregent, son humanité feront merveille là où il exercera son autorité. Nommé à la tête de l’école de plein-air du Château-d’Aux, il deviendra l’animateur d’un groupe départemental de l’Ecole Moderne qui comptera parmi les plus actifs du mouvement. De notre rencontre, de notre collaboration du début d’octobre 1943 était né un élan imprévisible qui se poursuit encore en s’amplifiant.
Maurice Pigeon

Dans l’Educateur, dans les cahiers de roulement, nous échangions nos problèmes, nos essais, nos réussites. Découvrir la vérité que Freinet nous offrait. Le «nous ne sommes plus seuls» il faut avoir vécu sans autre soutien que soi-même pour en éprouver la chaleur. Peu à peu au cours de l’année, se dessinait avec Freinet, avec nos camarades, la ligne d’action, les points d’impact du prochain congrès...
Cette incitation à l’action, à la construction de cette Ecole Moderne dont nous avions besoin, c’est ce qui m’a le plus marquée.
Paulette Quarante

Pendant vingt années, dont quatorze de pédagogie Freinet, j’ai vécu intensément cette vie d’enseignant dans un village.
Tous ces élèves étaient devenus mes enfants. En 1984 une ancienne élève a eu l’initiative de réunir un grand nombre d’anciens pour une journée de rencontre et d’amitié. Ça se poursuit chaque année au mois de mai.
A peine à la retraite, j’ai été sollicitée pour animer des clubs du soir, peinture, en 1970 à la Maison des Jeunes. Cela s’est poursuivi jusqu’en 1993. Toujours en référence à Elise Freinet relisant fréquemment les différentes B.E.M. et à Célestin Freinet qui avait fait sienne cette boutade de Claparède: «,».
Madeleine Belperron

Tout d’abord j’ai osé dire et faire, entrer dans les conflits, les vivre, et parfois déjouer de vraies cabales ; affronter quoi! et puis, il y a eu le changement total avec les jeunes, une forme de respect mutuel. Avec les adultes aussi, parents en particulier, où finalement la collaboration a dominé malgré de furieux assauts de familles réactionnaires ou inquiètes. Avant je n’aurais pas osé faire des réunions ouvertes aux parents en présence des élèves. Je n’aurais pas non plus osé affronter les collègues sur ce point. Je reviens donc à l’assurance dont j’ai parlé, assurance acquise aussi dans nos stages en co-formation, les plus efficaces ayant été ceux de la Commission Expression Corporelle, d’où finalement a débouché toute une prise de conscience sur l’alimentation saine, les médecines naturelles et la prise en compte de la santé de son être corporel, les relations franches, le naturisme, les échanges inter-culturels et internationaux.
Tout un vécu avec ses remises en question, ses doutes. A la retraite j’ai conscience de continuer une vie où les relations humaines et le vécu quotidien sont le prolongement des choix éducatifs et pédagogiques. Je ne suis plus à l’école mais mon expérience pédagogique me sert toujours. Je continue à rencontrer des enfants, des groupes d’adultes ou d’ados - musique et danses traditionnelles -. Non pas, parce que je ne sais pas quoi faire mais parce que c’est maintenant ma seconde nature. Et je ne conçois pas de ne plus militer à l’I.C.E.M.
Germain Raoux

Lorsque je fais ce bilan, je remercie tous ceux qui ont contribué à me révéler à moi-même: Freinet, Elise et les autres, «visionnaires, inventeurs, créateurs». Ils furent les «éveilleurs» et les «réveilleurs» de ma conscience, de ma raison, de ma sensibilité.
Au fond, je pense que le Mouvement Freinet m’a rendue et je vais dire un grand mot, plus intelligente, si l’on considère que l’intelligence est indépendante de la réussite sociale, intellectuelle. En fait à quoi servirait l’érudition si elle contribuait à asservir l’homme, au lieu de le servir?. Que cette intelligence est compréhension, ouverture, acceptation de l’autre dans sa globalité, complexité et différence, qu’elle est humilité.
Je pense aussi que le Mouvement Freinet m’a rendue plus riche d’une vie intérieure, porteuse d’optimisme, stimulateur de l’élan vital, plus riche aussi d’émotions esthétiques, autre réseau de communication plus intime, plus exceptionnel.
J’en ressens aujourd’hui toute l’importance et l’émotion en relisant comme cela m’arrive de le faire souvent, ces écrits d’enfants «laissés pour compte». Ils alimentent et agrémentent mes souvenirs d’une vie professionnelle qui, si elle fut souvent complexe, difficile n’en a pas moins été heureuse car en adéquation avec mes idées.
Renée Goupil

Nous avons trouvé au cours du stage - août 1948 à Cannes avec E. et C. Freinet - d’abord, dans les réunions départementales et les congrès ensuite, une ambiance humaine qui nous a transformés. Nous avons découvert le travail en équipe, la communication des expériences, des groupes sans hiérarchie dans lesquels chacun remplissait une tâche. Notre timidité originelle s’est à peu près effacée...
Notre personnalité s’est enrichie d’une façon considérable, nous avons été transformés et nous avons mesuré et compris combien le côté affectif était important et il l’est toujours, dans les relations avec les autres. Aussi des liens d’amitié se sont-ils noués lors de toutes ces rencontres.
Nous sommes marqués d’une manière indélébile, Elise et Freinet nous ont fait connaître une technique de vie qui nous est encore et toujours utile et bénéfique.
Camille et Yvette Février