les Amis de Freinet
le mouvement Freinet au quotidien
des praticiens témoignent
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Une philosophie ouverte
Une quête existentielle
La pédagogie Freinet: Une philosophie?
Une technique de vie?
Un art de vivre?
A Freinet
à Elise
à tous mes correspondants,
à tous ceux dont le regard et le sourire clignotent encore la nuit, sur la mappemonde de mes souvenirs.
du Québec à la Pologne,
du Val dAoste au Japon
dans notre France
et au milieu deux tous, à Alziary,
qui a deviné le premier que de petites étincelles
pouvaient allumer pour longtemps
un feu de luttes et de joies.
Est-ce ce qua voulu dessiner et écrire pour nous
aux premiers jours de notre Unité Pédagogique
des Fabrettes, cet enfant:
«moi je suis allé, et jai allé jusco boutoün»
au bout de moi-même, peut-être? mais rassurez-vous,
pas au bout de la découverte de Freinet,
de sa vision humaine et philosophique.
Cela, cest aux générations montantes de le faire.
Paulette Quarante
Freinet:
- cest un refus daccepter linjustice, un élan communicatif, une foi dans lavenir, une puissance de travail, une audace à contre-courant, une opiniâtreté résolue, une ténacité hors-norme, un pragmatisme efficace, un entraînement à agir, une lucidité extrême, un enthousiasme mesuré, une ouverture de pistes...
- cest un esprit fédérateur, lorganisation dun mouvement pédagogique, une relation égalitaire avec les travailleurs, une mise en relation des travailleurs entre eux, une instauration des échanges, un partage des savoirs, une création de rencontres... une gestion économique... une maison dédition...
- cest une création de théories, une philosophie, une vision de la vie, une projection dans lavenir mais, aussi, et surtout, une présence à la réalité, une conscience de la société, une sensibilité aux changements du monde, une prise en compte immédiate de toute nouveauté, une conception de la globalité de lenfant, lidée, totalement en marge à lépoque, dune insertion dans la complexité...
- cest une attention positive à lêtre, une perception des flux, un souci des développements personnels, une conscience de lévolution des groupes, une acceptation des différences, une écoute de la parole, une protection des faibles, une attention à leur démarrage...
- cest une pratique de la démocratie, un respect des droits de chacun, un encouragement à lexpression, un engagement à la responsabilité, une organisation de la participation, un refus de la hiérarchie...
- cest un génie qui perdure, une aventure partagée qui se prolonge, une uvre qui reste à accomplir...
Paul Le Bohec
Qui est donc Freinet pour moi qui ne lai pas connu?
Ce nest pas un gourou, ce nest pas mon maître, ni dieu de lEcole église Freinet.
Cest vrai que je suis toujours étonné dentendre certains dire, il ne faut plus parler de Freinet, on veut jeter le père. Pour cela, il a fallu le prendre pour père ou bien, ceux-ci ont, peut être, voulu prendre la place.
Comment expliquer que, pour moi, Freinet nest pas une personne, mais des idées, une philosophie qui ma permis de rencontrer des personnes depuis 20 ans, de me construire, dévoluer, dexprimer les idées, de bâtir des argumentaires, qui me permettaient de dire que lEcole cest la vie, la vie dans son environnement social, écologique, la vie qui libère lexpression pour que les enfants soient les citoyens, syndicalistes, politiques... critiques.
Ce qui est impressionnant, cest la force de ces idées que le mouvement Freinet est incapable de reprendre.
Je veux parler de lI.C.E.M. qui est devenu trop techniciste, je dirai trop didacticien. Nos outils sont repris, cest vrai, mais quand comprendra-t-on que la Pédagogie Freinet, ce ne sont pas des outils, cest la vie coopérative, lexpression libérée. Je vis cela au quotidien à lEcole, à lI.U.F.M. et je peux vous dire que notre philosophie est loin dêtre comprise au sens acquise, appropriée et nessayons pas dimiter ces techniciens de la pédagogie, ces didacticiens: les idées développées par Freinet sont beaucoup plus fortes car cest un choix de vie, un choix de société, un choix planétaire qui gênent...
Nayons pas peur et arrêtons de justifier nos idées en fonction des reconnaissances académiques, B.C.B.G. des recherches ici et là.
Je suis quand même étonné quand jentends le résultat de recherches universitaires ou autres considérées comme géniales alors quelles étaient déjà exprimées dans les écrits de Freinet.
Dernier point auquel il faut réfléchir. Ce que Freinet a réussi, cest de développer ses idées et de les mettre en pratique dans le milieu social de son époque. Le percevait-il aussi bien que nous avec le recul de lhistoire?
Mais ce que nous avons du mal à réaliser, cest le transfert dans la crise des banlieues, des changements formidables de notre société de 15 ans... Cest notre défi comme Freinet en 1920 dans les milieux paysans...
Christian Lego
La Turmelière (1) mapportera des masses et des masses dexemples recueillis «in vivo». Cinquante ans après, jen demeure marqué. Freinet comme Elise mavaient ouvert à lhumain dans son infinie complexité (...)
(...) Cette longue expérience fort diversifiée pendant laquelle je me suis repéré sur Freinet, Elise et nos vieux compagnons, ma cependant permis comme un chacun lié au Mouvement de demeurer moi-même, de travailler, de réfléchir suivant mon tempérament. Jamais je nai perçu la nécessité de suivre, pas à pas une méthode rythmée dobligations impérieuses.
(1) Centre Sanitaire Scolaire dirigé par Maurice Pigeon.
En revanche, jai acquis la certitude quil nest pas de problème humain donc personnel, social, moral, politique plus fondamental que lEducation. Encore convient-il déclairer les finalités à poursuivre. Elles sont innombrables. Simplement il convient de rappeler que Freud avait eu la géniale intuition: tout un peuple, ses murs, sa politique, lensemble de ses institutions ne peuvent que refléter le système éducatif commandant lensemble des activités sociales. Lauteur J.M. Delgado éclaire ce point de vue dans son ouvrage «Du conditionnement du Cerveau à la Liberté de lEsprit» Ed. Dessart.
Eduquer suppose donc un engagement. Suivant notre perspective historique bien vue par Freinet, lEducation se doit de développer très tôt chez lenfant: lhumain, le populaire au meilleur sens, la démocratie. Lhumain? afin de développer chez tous et chacun les zones de son individualité, lambition qui entend se centrer sur lenfant en vue de sa personnalité mature et sur sa personne, cest-à-dire afin que toutes ses richesses obscures, ses potentialités, soient révélées, épanouies, utilisées.
Pour cela lEcole doit devenir un lieu dEducation à lUniversel. Autrement, et le spectacle présent des sociétés le manifeste, largent, les intérêts des grands, la politique quils mettent en place se moquent éperdument des individualités comme de la démocratie. Esprit de Freinet, Au secours!
Maurice Pigeon
Tout juste de retour de ces guerres dAfrique du Nord et du service militaire, soulevé dindignation à la vue des méthodes mises en uvre, comment ne pas sengager à fond dans toutes les brèches qui souvrent vers la reconnaissance de la dignité de lhomme, comment ne pas sorienter vers une pédagogie qui uvre pour une prise en charge de chacun par lui-même, reconnu comme être à part entière, respectable et respecté parce que respectant les autres et acteur de son avenir dans le devenir commun.
Chacun à sa juste place reconnue par tous.
A chacun sa responsabilité dans le groupe social.
La vraie démocratie, cest le respect de chacun reconnu par chacun à sa vraie place selon ses capacités. Des mouvements, des associations qui uvrent pour le respect de lhomme, il y en a à cette époque: le Mouvement pour lenfance malheureuse dAlexis Danan. Le Mouvement de lutte contre lesclavage dYvon Chalard. Les Mouvements pacifistes. Le Planning familial qui naît sous limpulsion du Docteur Lagroua Weil Hallé, etc...
La découverte du Mouvement Freinet où bouillonnent toutes ces idées et bien dautres, où se confrontent vigoureusement et néanmoins fraternellement des militants de toutes ces organisations, est la révélation que là est laction, la mise en uvre des idées. Il mapparaît que lambition du Mouvement Freinet cest de mettre en pratique quotidiennement la coopération, la réflexion sur la démocratie vécue et ses limites. Profondément pragmatique, il essaie de partir de la réalité des faits et des hommes pour promouvoir une éducation au sein dune structure sociale développant les capacités de chacun à la réalisation de sa vie personnelle.
Comment ne pas sengager là totalement?
...Désormais, je sais que jai trouvé le mouvement qui correspond à mon désir daction...
Guy Goupil
La Pédagogie Freinet est, avant tout un état desprit qui ma conduit à me remettre en cause en permanence et à modifier mon comportement face à lenfant, consistant à:
- me mettre au niveau de celui-ci
- être à son écoute
- être toujours disponible, réceptif
- accepter tout ce qui vient de lui en mettant laccent sur la réussite, ce qui lui donne confiance et le stimule.
- avoir une attitude aidante et non pas autoritaire, répressive
- «me dépouiller du vieil homme», comme aimait le dire souvent, Freinet. Ce qui est, peut-être, le plus difficile à réussir.
- partir de lenfant et lui permettre:
- de sexprimer, se libérer, créer, sépanouir... grâce à lexpression libre sous toutes ses formes, orale, écrite, manuelle, artistique, musicale, gestuelle...
- de communiquer avec dautres enfants et dautres milieux grâce à la correspondance interscolaire et aux voyages-échanges
- permettre à lenfant, grâce à des techniques appropriées et des outils individualisés, dexpérimenter, de tâtonner, de faire des recherches individuelles...
- amener lenfant, dans le cadre de lorganisation coopérative de la classe, à prendre des responsabilités et lassumer, à tenir ses engagements, à devenir libre et autonome.
La Pédagogie Freinet na-t-elle pas pour finalité de promouvoir un système éducatif dont les valeurs soient linitiative, lentraide, la coopération, lesprit critique, le partage des responsabilités, la prise en charge, lautonomie... avec, comme perspectives, la formation en lenfant de lhomme de demain?
La Pédagogie Freinet est aussi une technique de vie qui ma amené à être «un» dans ma classe et en dehors.
Par Freinet, jai appris quil fallait sengager, sur les deux fronts simultanément:
- sur le front pédagogique et scolaire, en prônant une éducation nouvelle, libératrice et créatrice.
- sur le front politique et social, pour la défense des libertés démocratiques.
Par mon engagement permanent au service des luttes sociales, de la paix, de la laïcité, etc..., jai essayé dêtre, le plus souvent possible, en harmonie dans les divers domaines de la Vie: pédagogique, philosophique, syndical, social, politique...
Cest la grande leçon que je tire de mon long «compagnonnage» avec Freinet - un homme simple généreux et très chaleureux -, sa «vieille garde» et les milliers de militants du Mouvement de lEducation Moderne, que ce soit à lI.C.E.M. ou à la F.I.M.E.M..
La plupart de mes vrais amis - amis de travail - tant en France quà travers le monde, cest à la Pédagogie Freinet que je les dois, grâce aux dizaines et aux dizaines de stages, congrès, R.I.D.E.F., que jai pu suivre...
Et cest aussi la grande chance de ma vie davoir travaillé dans lesprit de la Pédagogie Freinet, près de trente ans. Ce qui ma permis de partir à la retraite «à cent à lheure...» et qui me permet de continuer encore, avec ce même plaisir après vingt ans et plus de retraite, à apporter ma toute, toute petite pierre à la vie du Mouvement de lEcole Moderne.
Jaurais envie de conclure par ces mots:
La Pédagogie Freinet ->un état desprit?
->une technique de vie?
->un art de vivre?
Emile Thomas
Les quelques échanges que jeus avec Freinet, me plongèrent dans un enthousiasme tel que la rencontre avec mes élèves sannonçait pour moi comme une fête. A partir de ce moment, je songeais déjà à mes projets pédagogiques en classe. Je sentis également que cette pédagogie Moderne entrait pleinement dans ma vie et que cétait là, un événement dextrême importance pour moi. Je considérais mes deux années de pratique comme obscures, car un changement allait sopérer à lavenir.
... LAlgérie, pays ouvert à lindépendance en 1962, se voyait au départ confronté à un problème crucial: celui de la scolarité des enfants, de la formation des cadres.
Par quelle voie, selon quelles méthodes, accéder à cette indispensable culture? Peut-on faire fond sur des pédagogies traditionnelles qui ont échoué dans les pays dorigine?
Où trouver la pédagogie efficiente susceptible de servir le présent et préparer lavenir? Ce sont les problèmes qui ont été discutés au cours du congrès Panafricain de lEcole Moderne, qui sétait tenu à Oran en 1963 et qui a vu la participation denseignants du Maroc, de la Tunisie, de la France et de lAlgérie.
Ce congrès avait marqué dans lhistoire, le renouveau culturel des pays en voie de développement. Le premier texte officiel régissant lécole algérienne après lindépendance date de 1965. La caractéristique essentielle de ce texte est quil annonce une rupture totale avec les pédagogies traditionnelles, tant pour larabe, que pour le français. Dès lors, lère des méthodes traditionnelles est abandonnée pour entrer de plain-pied dans celle des méthodes modernes.
Abdelkader Bakhti
Cest un style de vie et une philosophie de lexistence. Je me reconnais dans les écrits et les pratiques de Célestin Freinet puis du mouvement de lEcole moderne et je les intègre comme étant miens.
Je suis un instituteur qui pratique la pédagogie de Freinet et je suis un être humain qui prend à lui les outils que Freinet a créés jusquà penser que je les ai inventés.
Hervé Moullé
Tout ce que nous avons reçu de Freinet, dElise et du Mouvement, nous avons voulu le rendre un peu en acceptant dorganiser avec une cinquantaine de camarades Freinet ou sympathisants, le Congrès de 1965. Nous ne pensions pas que ce serait le dernier de Freinet!
Quand je revois tout ce temps passé avec des enfants, y compris mes dix dernières années dans une équipe pédagogique Freinet, je me demande si jaurais pu travailler autrement, et je nai pourtant pas eu que des réussites!
Je me rends compte aussi que les idées et la pédagogie de Freinet ont été pour moi, avant tout, un état desprit, un comportement dans la vie, tant sur le plan individuel que dans le travail avec les enfants qui eux-mêmes mont aussi beaucoup apporté et les camarades, Français et «hors-frontières».
Une ouverture extraordinaire.
Mimi Thomas
Jaborde ma onzième année de retraite et lorsque je minterroge sur le choix que jai fait de pratiquer la Pédagogie Freinet, la réponse qui simpose est la suivante: Si cétait à refaire, je referais ce parcours, chemin laborieux certes, mais qui a enrichi ma vie tout entière tant professionnelle que personnelle.
En fait, ce choix fut le révélateur de ce que ladolescente que jétais alors recherchait: une éthique de vie qui soit en adéquation avec mon idéal moral, social et politique.
De plus, cette démarche a permis de mettre quotidiennement cette adéquation dans ma vie professionnelle. En cela, je me considère comme une privilégiée...
... Elle a su donner un sens, une unité à ce puzzle didées pédagogiques plus ou moins progressistes que javais reçues au cours de ma formation à lEcole Normale.
Renée Goupil
Sur le plan personnel quel enrichissement! La philosophie de Freinet ma enchantée, jétais en accord total avec ses écrits, avec ses méthodes. Les réunions du groupe Freinet, les journées organisées pendant les vacances mont beaucoup intéressée. Les enseignants que jy ai rencontrés, passionnés de Pédagogie étaient passionnants et je me suis vraiment enrichie à leur contact.
Marie Thérèse Le Tallec
Jai dabord pensé que je ne saurais rien dire de ce que mavait apporté Freinet et sa philosophie sur le plan personnel et professionnel et puis un mot sest imposé: Recherche. Le Mouvement a ouvert pour moi les voies de la recherche: recherche de gens, recherche didées. Sur le plan professionnel la recherche didées et lexpression de ces idées ont été rendues possible par labsence de hiérarchie.
LEcole et ma famille mavaient amenée à penser quil y avait danger à émettre des idées personnelles.
Les groupes Freinet mont démontré le contraire «Expression libre» cette voie ouverte sur le plan professionnel a modifié toute ma vie.
Recherche = Rencontres, débats, lectures, actions, expérimentations = idées nouvelles = Recherche.
Voilà le schéma qui résume pour moi la Pédagogie Freinet, non, la vie, enfin les deux.
Pierrette Capdevielle
Jai gagné à pratiquer les Techniques Freinet, de me sentir vraiment un homme de gauche parce que les valeurs humanistes quelles véhiculent sont les valeurs mêmes de tout homme de gauche.
Mais ce serait restreindre son universalité que de réduire cet humanisme aux seules valeurs sociales ou même politiques. Toutes les familles de pensées y ont puisé leur bien. Je me souviens, au cours dun congrès Ecole Moderne, de cette conversation que javais eue avec un collègue profondément chrétien. Et comme je métonnais quil pût pratiquer de telles méthodes plus ouvertes sur la vérité scientifique que sur les paraboles spirituelles, dans un sourire, il me répondit: «Justement: apprendre aux enfants à raisonner juste, à utiliser à bon escient leur esprit critique ne peut que les conduire à Dieu.»
Après tout, pourquoi non?
Freinet et son mouvement ont laissé en moi des marques indélébiles, le goût de la liberté de dire, par exemple, ou lélaboration dune éthique dont je ne me suis, pour ainsi dire, jamais écarté. Et le sentiment ineffable
dune amitié vraie.
Raymond Jardin
La nouvelle Ecole Galicienne, intégrée à la F.I.M.E.M. (1986) nest pas un groupe de Pédagogie Freinet à part entière. Mais militants Freinet, nous uvrons pour léducation qui veut être populaire, cest-à-dire au service de la liberté, la justice, la solidarité, pour le bien dune communauté participative et qui échange sa parole avec les autres cultures. La Nova Escola Galega, elle est, peut-être, une expression particulière, complémentaire de la Pédagogie Freinet.
Et nous voulons affirmer notre gratitude à tous et toutes, les Constructeurs «freinétiens» de léducation populaire et démocratique, espace où les enfants et les gens communs peuvent pousser de lintérieur, avec joie de vivre et de sexprimer.
Anton Costa Rico
Moi, jai appris que Freinet est bien plus quune proposition de travail. Cest un art de vivre, de découvrir de nouveaux moyens dinteraction entre les êtres et principalement le respect de lindividualité, de la créativité de lêtre humain.
Ces idées, mises en pratique, peuvent changer la conduite de beaucoup de communautés tant dans le social que léconomique. Un monde coopératif. Cest mon rêve et jespère arriver à le transmettre aux autres à travers mon métier. En travaillant dans la diffusion de ces idées, jespère arriver à assurer un futur pour les enfants, et pour les anciens un futur marqué par une vraie communication pour la coopération et laffectivité.
Marlise Groth (Brésil)
La création, la croissance, la consolidation, le rayonnement de cette pédagogie sont uniques dans les annales universitaires.
Cest un mouvement de masse, parti de la base, dun village bien pauvre et bien ignoré en 1920: Bar-sur-Loup. Son expansion sest faite par la base, à même le travail dans les classes primaires publiques les plus déshéritées.
Certes, il faut sinformer, lire les ouvrages de Freinet, les revues et surtout «lEducateur». Il faut surtout vivre cette pédagogie, en sentir toute la richesse, pour en apprécier la profonde valeur éducative et humaine, et prendre conscience des mutations quelle opère, non seulement dans le comportement de lenfant-élève, mais aussi et surtout, dans le comportement des maîtres.
La Pédagogie Freinet, pédagogie du succès, pédagogie du bon sens, pédagogie naturelle - par la vie, pour la vie - accessible à tout homme de cur et de bon vouloir, ce nest pas une somme de techniques denseignement, cest un esprit, une éthique, une philosophie.
Maryvonne Conan
Ma vie fut une succession de hasards et accidents qui ont passé trop vite pour que je puisse les saisir avec limportance que des fois ils méritaient. Cest le cas pour ce texte. Je reçois un papier qui minvite à la réflexion de limportance de Freinet, soit vingt-six ans de ma vie en tant quéducateur, et ceci je noserais pas le faire et encore moins lécrire... Voici donc lhistoire:
Ayant commencé mes études de droit au Portugal, où jai traîné quatre ans en deux universités, jai fini cette carrière par être mis à la porte de ces honorables institutions denseignement supérieur. Jai ensuite essayé de minscrire dans une Ecole Normale pour devenir enseignant, et on ma dit que jétais «politiquement suspect». Ceci voulait dire que je ne jouissais pas de la confiance du régime fasciste de Salazar, qui savait bien choisir les enseignants du régime. En dehors du système, je pouvais faire la guerre dans les colonies portugaises dAfrique, ou séjourner dans une prison politique.
Je suis parti pour un exil sans retour, et à lUniversité de Fribourg en Suisse, je commençais mes études qui mont permis par la suite de devenir maître denseignement spécialisé et orthopédagogue. Pour obtenir le brevet en tant quenseignant, il nous fallait faire des stages dans les «classes dapplication» et en choisir une pour faire le stage annuel. Au cours des visites de toutes les classes, où il serait possible deffectuer ce stage, nous sommes entrés dans une classe pas comme les autres. Javais été surpris parce que cétait une classe où ça avait été les élèves et non pas le maître qui nous avaient expliqué comment ils travaillaient et ce quils pouvaient faire, comment ils sorganisaient, comment ils vivaient... Ça ne ma pas produit un effet immédiat, mais jétais frappé par «labsence du maître» dans les rapports qui sétaient établis, et surtout parce que cétait une chouette visite de classe sans stress - le mot nétant pas encore inventé en 1971 - ni «normalité».
Au moment du choix, je métais promis quil fallait que je me batte pour avoir cette classe comme lieu de stage annuel. Je parlais mal et surtout jécrivais encore plus mal le français quaujourdhui... et javais noté dans cette petite visite, que la question des «fôtes dortografie» nétaient pas un problème sans solution ni complication. Miracle! Tous mes collègues refusaient de rester une année dans cette classe, parce quelle nétait pas très en ordre et les enfants étaient tout le temps debout, et ils parlaient tout le temps, et ils allaient partout et comme ils voulaient, sans demander la permission, et en plus le maître de la classe ne disait rien... et, le comble, il était aussi notre prof. à lUniversité et on devait le trouver pour des examens.
Ma ferme décision de rester une année dans cette classe nétait plus du tout un choix, mais un applaudissement. Les jeux étaient faits. Je mettais les pieds dans un monde que jignorais, mais qui mavait séduit pour les mêmes raisons quil avait repoussé mes camarades et collègues détude. Freinet, jamais entendu parler, et personne navait lair de se soucier de cette faute!!!
Et un beau jour, il ma fallu organiser un travail avec la classe. Cétait le premier et je ne loublierai jamais, à cause dune confusion linguistique. Mon maître de stage et futur camarade Nicolas Ayer, me proposait dorganiser un travail pour donner une leçon sur le mètre et son rôle en tant quétalon universel... pendant ce temps il me parlait du mètre et javais compris le maître!!!
Le français commençait à me laisser en panique, jentendais les mêmes sons là ou il y avait nuances... comment faire ces nuances avec les enfants?
Quelques jours plus tard nous avons visionné «LEcole buissonnière»... et seulement après, jentendais pour la première fois le nom de Célestin Freinet, qui me disait beaucoup moins que Belmondo, Killy ou Delon...
La bibliographie est arrivée et jai commencé à lire les livres du dit Freinet. Je lisais et je naimais pas. Je trouvais ça vieux, dépassé et démodé... sans avoir dautres références ou termes de comparaison, je me permettais de critiquer et presque refuser ces lectures. Je confesse quaujourdhui je nai pas encore lu tous ses écrits... mais je pense compléter cette lecture, et avec plaisir!
Déçu, je continuais de plus en plus séduit et intéressé par le travail de la classe, sans comprendre ni rêver ce qui donnait corps et âme aux travaux.
Ayant plongé dans un nouveau vocabulaire, il me fallait être au même stade que les gamins pour pouvoir vivre avec. Quest-ce que ça voulait dire: imprimerie, diplôme, boîte enseignante, BT, travail libre, conférences, fichiers, assemblée, registre?. Je devenais un «cas» compliqué pour lenseignement public suisse, qui faisait toute confiance aux jeunes générations dinstituteurs, pour défendre leur bien-être, dans la paix du chocolat Nestlé et les pendules de coucou... toujours bien propres.
Autres conversations profondes et je reçois ladresse de la C.E.L.. Mon «maître» me disait: là il y a des revues mensuelles, et dautres choses à lire. Je prenais en mains mon élan définitif. Je crois que cest avec «Chantiers pour lenseignement spécialisé» que je me suis définitivement mis en rapport avec ce Monde, que jignorais mais qui me séduisait davantage. Cétait le Monde des gens avec problèmes et soucis, des gens qui naimaient pas le conformisme et qui écrivaient là-dessus. Elle sexposait et cétait un monde humain où fleurissaient les contradictions et la sagesse, de partage et de respect et ceci pour moi était la clef de la porte dentrée. Je vivais entre les exclus et les marginaux depuis deux ans. La Suisse me révélait un visage inhumain, raciste, élitiste qui marginalisait chaque année des centaines denfants vers les classes spéciales et les centres de rééducation... toujours propres et bien placés. Un scandale «bien caché» avec lequel je ne voulais pas être complice et surtout que je voulais dénoncer. Je ne me sentais plus du tout seul, et personne «pour me mettre des bâtons dans lengrenage.»
Javais commencé à vivre en Suisse la pédagogie de lEcole Moderne, nom qui est rentré naturellement dans mon vocabulaire. Je travaillais avec des collègues du Groupement Romand de lEcole Moderne, les réunions en dehors des heures de travail, les amitiés, les soucis et les problèmes. On partageait espoirs et désillusions. Au fond cette sacrée pédagogie nétait plus une corvée, les choses ne semblaient pas si mauvaises, du fait que je nétais plus seul, et que javais trouvé des références et partenaires, ailleurs.
Le goût des échanges était arrivé et le partage aussi. Jallais survivre, malgré tout et surtout malgré ceux qui se moquaient de nos travaux et réunions.
... Et, comme par hasard, cest à la fin dune de ces réunions, dans notre journée de congé du jeudi, que japprends par la télévision suisse du bistrot où on célébrait la fin des travaux, quil y avait eu une Révolution des illets au Portugal. Cétait le 25 Avril 1974. Je nen revenais pas. Tout le monde me regardait et je ne savais pas quoi dire, puisque moi-même, si loin, je ne comprenais rien aux événements. Comme quoi les choses se lient entre travaux et fêtes, entre accidents historiques et humains. Quelle fin de nuit, mes amis!
Jallais pouvoir rentrer au Portugal après 5 années de «suissisation»?
Toute cette pédagogie allait pouvoir voyager avec moi ; dailleurs je nen connaissais aucune autre à amener. Les collègues avec qui javais appris tous les trucs et combines du métier, jirais bientôt les abandonner! Mon histoire changeait de pays et se poursuivait.
Il ma fallu encore trois ans pour que je rentre au Portugal. Les illets ny étaient plus, tant pis pour moi... Dautres allaient fleurir en dautres printemps. Et un jour, je rencontre les gens du Mouvement de lEcole Moderne, qui savaient que jétais aussi du Mouvement, mais je venais de létranger. Drôle dimpression, et curiosité... ils avaient un stage de week-end dans une Ecole de Lisbonne, et ils me disaient à la portugaise tout simplement, viens, on tattend pour travailler avec nous!
Je rencontrais les mêmes choses quen Suisse et je ny croyais presque pas... Je ne savais pas que cétait possible de trouver le reflet de tout un monde que javais quitté, sans avoir la certitude pratique de son universalité, et surtout que cétait «ça» qui me faisait rencontrer des gens.
Facile de parler des choses, de partager les soucis et surtout par rapport à lorganisation, je mapercevais des nuances, des différences et des autres manières de faire. Je retrouvais le même goût du partage, les mêmes critiques, la même joie dans ce coin perdu et ignoré par une Europe lointaine, et quon mavait fait sentir nêtre pas la mienne...
La France marrivait par courrier. Je ne pouvais pas payer, comme en Suisse, mes abonnements. Bernard Mislin me gronde: «Nous ne sommes pas une entreprise à vendre de la marchandise!!!». Je continuais à recevoir les revues sans payer, et elles allaient directement à la bibliothèque du MEM ; ici, on ne les connaissait pas, et on les lisait et en discutait chaque mois.
Et un jour, un coup de fil: un camarade français qui se trouvait à Lisbonne, me disait tout simplement: «Jai trouvé ton numéro de téléphone et ton adresse dans les fichiers de notre Mouvement... Je suis de lICEM... est-ce quon peut se rencontrer?»
Je faisais la connaissance de Patrick Robo et Dominique au bord du Tage. Nous avons passé une journée dans mon Institut, regardant des travaux denfants, entre enseignants, parlant dune pédagogie qui nous était commune et familière, entre la morue et le «vinho-verde».
Invité par les camarades de la Commission de lEnseignement Spécialisé, je participe aux journées détude de lICEM à Cavaillon. Première rencontre avec les Français et où je réussissais à mettre une tête sur un tas de noms que je connaissais par les lectures. Je rencontre dautres gens, je fais un tas de correspondants et dautres amis. Suite aux rencontres suivantes, des rapports se font plus profonds et, aujourdhui le temps laisse déjà ses marques. Certains ne sont plus là, dautres ont disparu à jamais, et je me souviens de leurs sourires. Le Mouvement portugais commence aussi à recevoir les preuves de solidarité des différents groupes qui nous envoient à titre gratuit leurs publications. Les amis de Freinet deviennent une expression affective... il y en a tellement que je nose plus en faire une liste...
Patrick minvite à faire la classe dans son école. Sans angoisse ni soucis, je me trouve devant des enfants de Béziers, que je navais jamais vus, en train de parler du Portugal et de tout ce quils voulaient savoir. Les enfants sont comme les Suisses et les Portugais... Ils sont organisés et se respectent, donc on peut parler, discuter et faire de lécole une étape de nos vies avec beaucoup de tendresse et une bonne dose dintelligence...
Et il y a aussi Charles dans son coin perdu, loin dans les Ardennes belges. On se rend visite et on sécrit. Nous nous engageons sur un tas de bonnes idées au sujet de lécole que nous souhaitons et désirons avec davantage de plaisir pour nos élèves citoyens, au Portugal et partout où il y a une école.
Je ne sais pas et surtout je ne veux pas imaginer ma vie autrement, pendant toutes ces années. Elle qui ma fait beaucoup de plaisir et qui se poursuit et se transforme tous les jours. Je traduis maintenant des écrits de Freinet et la vieillesse, que javais trouvée au départ de mes études, nest plus là. Je réagis dautre manière. Jessaie encore dêtre toujours attentif à la ligne de combat du Mouvement portugais, et solidaire avec mes camarades dailleurs, qui partagent cette vie avec lécole. Un tas de rapports affectifs avec des longs et brefs échanges épistolaires se sont noués. Cest compliqué et simple à la fois, mais toute ma vie professionnelle a été marquée par cette séduction et enchantement qui durent encore après toutes ces années, par rapport à un choix de vie au sein dun Mouvement universel. Cest avec toute cette «bande de copains et copines» que les fêtes et les malheurs ont été plus intenses et faciles à vivre. Je narrive pas à imaginer tout ça, autrement, sans Freinet, puisque cest malgré lui, où à cause de lui, que ma vie sest passée dans cet ordre chaotique.
Luis Gaucha Jorge (Portugal)
C. Freinet a toujours conçu une Ecole Moderne laïque et les congrès de lI.C.E.M. ont marqué toujours leur attachement à la laïcité, déploré la division de lEnfance dès lEcole, par lEcole privée ségrégative. Le Mouvement de lEcole Moderne ne peut donner à ses adhérents aucune directive philosophique, syndicale ou politique autre que le respect et la défense de la laïcité, dans le cadre de la Pédagogie Freinet qui est leur option de ralliement.
Après la mort de C. Freinet, lEcole Moderne réaffirme sa conception de la laïcité, son opposition à tout endoctrinement, dans la Charte de lEcole Moderne, adoptée au congrès de Pau (1968). Et dans le P.E.P., Perspectives de lEducation Populaire, on peut lire:
«-Nous nenviageons lEcole que dans le resepct intégral de la laïcité, les fonds publics étant réservés à lenseignement public. Une société démocratique doit refuser tout endoctrinement, toute ségégation et toute reproduction de pivilèges.»
La France est lun des rares pays où la laïcité est inscrite dans la constitution (séparation de lEglise et de lEtat). Elle apparaît comme un remède contre les exclusions de toutes sortes, les obscurantismes et intégrismes divers.
Il nous faut donc défendre cet idéal laïque, cest-à-dire celui qui interdit à toute croyance de se saisir et dassumer le pouvoir.
La Convention Internationale des Droits de lEnfant renforce mes convictions et véhicule des valeurs de la Pédagogie Freinet: liberté dexpression, liberté dAssociation, liberté de pensée, de religion, de conscience.
Educateur laïque, je ne conçois pas la laïcité comme une neutralité desséchante, mais comme un combat humain pour le progrès et lépanouissement de la personne, contre les cléricalismes quils soient religieux, politiques et sociaux.
Et, comme disait Freinet:
«Nous nous appliquons à faire de nos élèves des adultes conscients et responsables qui bâtiront un monde doù seront proscrits la guerre, le racisme et toutes les formes de discrimination et dexploitation de lhomme.»
Pierre Yvin
De telles techniques, une telle pédagogie, une telle éducation débouchent non seulement sur une culture, mais aussi sur une philosophie.
Il est, en effet, dans la doctrine de Freinet une autre dialectique, non moins féconde, fruit des procédures coopératives: par voie dexercices, lindividu, traditionnellement considéré comme un être abstrait et interchangeable, sauthentifie, sidentifie, se sociabilise dans le même temps ; à linterchangeabilité - des petites bouteilles de Melle Jenseigne - se substitue une identification active. Alors naît une personne, émergeant progressivement, comme facteur commun aux différents rôles assumés par lélève. Cette personne accède peu à peu à un statut singulier, ainsi quà une idée particulière que les autres se font delle et quelle se fait delle-même.
Cette assomption ne peut sopérer quau prix dun changement profond de la méthode et des moyens: dune part, il faut,(au delà mais surtout en deçà de lappel nécessaire à une hygiène mentale traditionnelle, restituer le sens concret, du vivant, il faut réintroduire la primauté de limagination, ce sursaut de lâme qui suscite des impulsions salvatrices, les motivations fécondes, élargit le champ des possibles. Certes, dans une classe Freinet, plus encore que dans lEcole traditionnelle, tout acquis peut partir de lobservation. Mais limagination ouvrira une part de rêve, une chance dincertitudes, un horizon de découvertes.
Chaque «faculté» senrichit de lactivité de toutes les autres et les enrichit à son tour, à la façon dont sépanouissent réciproquement le groupe et les personnes.
Chacun, en effet, profite des apports des autres ; encore importe-t-il quil respecte un certain devoir envers le groupe - les groupes - auquel appartient, un ordre de discipline, de vie et de travail, qui varie évidemment selon le caractère des besognes entreprises.
Voilà qui vaut aussi bien pour les groupes dobligation - famille, école... - que pour les groupes librement choisis. Mais la légitimité des groupes dobligation ou la validité des groupes choisis nont de sens et de raison dêtre que si tous ces ensembles protègent scrupuleusement chaque personne. Moyennant quoi la collectivité devient une communauté.
Ainsi la formule coopérative chez Freinet tient la balance égale entre la personne et la communauté et ce en privilégiant tout à tour lune et lautre, dès lors quelles sont menacées. Cest ce qui assure à la fois le développement personnel et léducation sociale.
Nous sommes très au-delà du simple mais fructueux déploiement des techniques. Les liaisons vivantes, indéfinies, en perpétuel développement, sétablissent entre les complexes à dominante objective (projet -> objet) ou (et) les complexes à dominante humaine. Parmi ces derniers il en est un que les classes Freinet admettent - alors quil est généralement condamné dans les classes traditionnelles - cest le dialogue qui sétablit entre les élèves (sujet <=> sujet).
Reconnaissons lambiguïté du mot dialogue, faute dun terme qui désignerait la conversation engageant de multiples partenaires. Pour les enfants, le véritable dialogue résulte du droit à la parole, si fermement défini par Jean Le Gal. Chaque enfant détient une richesse née de ses observations, de ses réflexions, de ses expériences ; souvent il aime, lorsquil a vaincu sa timidité, faire partager aux autres cette richesse. Comme il aime laccroître en écoutant les autres. Le dialogue est facilité par le fait quil se déploie entre les enfants saisis au même niveau de développement physique, affectif et mental. A quoi sajoute la communauté langagière, un jargon de connivence - syntaxe, vocabulaire, gestuelle - qui facilite la communication.
Cest là un véritable enseignement mutuel: le maître nest dailleurs pas exclu de cette forme de dialogue: comme il est toujours présent mais non pressant, chaque enfant peut sadresser à lui, et lui-même peut prendre linitiative dune suggestion adressée à lélève en quête de travail.
De la sorte, de la communication à laction, sest établie, en un demi-siècle, une doctrine où la nature reprend ses droits ; celle-ci devient à la fois un objet et un moyen de culture: la plus immédiate, la plus perceptible des manifestations de la nature est le corps lui-même ; le corps a ses raisons... Et lon sait le rôle attribué par Freinet à lhygiène corporelle, diététique comprise. Il faut insister: lhumanisme de Freinet débouche sur la société, la société de demain. Mais, pour ce, il sappuie sur la nature de lenfant, des enfants. Ladjectif «naturel(le)» est lun des mots les plus employés par Freinet, lun de ceux qui traduisent son originalité. Il nest guère de méthode dapprentissages fondamentaux, demploi de techniques ou doutillages, qui ne méritent le qualificatif de naturels. Par cette invocation de la nature, nous parachevons la synthèse harmonieuse et efficace des termes de base, nature et culture, par lesquels, au début de cet article nous esquissions les axes dorientation de Célestin Freinet.
Dès lors, lhumanisme de Freinet se tend entre une biologie exigeante requérant, par exemple, léducation de la main, cet outil naturel et lémancipation de la personne. Le pluralisme de Freinet ne pose pas le problème de la prédominance dun hémisphère cérébral sur lautre. Tous les enfants doivent être exercés aussi bien à modeler de la terre glaise - pardon, à sculpter un buste - quà modeler un texte - pardon, à rédiger une correspondance-.
A lexpérience renouvelée de lenfant, répond la réflexion du maître qui affine peu à peu, qui affirme peu à peu, sa propre doctrine: véritable protopédagogie reposant sur lemploi des formes les plus élémentaires de la technique ou de lexpression.
Ce qui permet de progresser: «Nous utiliserons les techniques simples, frustes, manuelles, rudimentaires, pour les développer, les perfectionner graduellement»
Ainsi, de la nature «primitive», ou pour mieux dire première, à la culture émancipatrice, se préparent les citoyens du 3ème millénaire, des hommes et des femmes ayant pris la mesure de leurs capacités pour mieux définir, juste au-dessus leurs idéaux, leurs vocations de loisirs et de métier, des gens optimistes et enthousiastes aimant fermement la paix, la liberté et la justice, bref solidaires et fraternels.
Telle est la leçon, que ses fidèles y aidant, nous donne lInstituteur Célestin Freinet, maître décole. Maître décole...
Jean Vial