Mimi Thomas
par Guy et Renée Goupil
 
À notre amie,
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la mort de notre amie Mimi Thomas. Une grande mémoire du mouvement Freinet vient de disparaître.
Elle en avait connu des problèmes de santé au cours de son existence... et pas des moindres ! Elle les avait toujours surmontés par sa volonté farouche de les dépasser. Même face à celui auquel elle a succombé, elle aura tenu tête pendant longtemps avec un certain succès. Après sa défaillance sur la place Rouge au cours d’un voyage en Russie qui lui avait valu un rapatriement sanitaire et des semaines de coma, comme toujours, débordante d’énergie, elle avait repris ses activités et ne voulait manquer aucune rencontre, aucune AG, aucun CA de l’association des « Amis de Freinet » à laquelle elle avait consacré, avec Emile, son indissociable compagnon de militantisme, une grande partie de ses activités depuis la fin des années soixante. C’est à l’image de ce qu’a été sa vie, toujours sur tous les fronts de la défense des droits de l’homme et de ceux des enfants.
Engagés, politiquement et socialement, tous deux compagnons de Freinet, ils se retrouvent dans son mouvement sous toutes ses formes, à l’ICEM dont ils organisent à Brest en 1965, le dernier congrès auquel Freinet aura participé en personne. Ils font partie des premiers fondateurs d’équipes pédagogiques Freinet d’écoles maternelles et primaires. Ils n’hésitent pas, courageusement, à refuser l’inspection dans sa forme autoritaire. Ils sont tout aussi présents à la FIMEM, dans les RIDEF. A la fin des années 90, grâce aux connaissances qu’ils s’étaient faites au cours des rencontres internationales, malgré leur âge avancé, ils parcourront le Brésil de part en part, d’école en école pour y présenter la pédagogie Freinet. Engagés profondément dans le mouvement Espérantiste ils se font des amis dans le monde entier que Mimi ira retrouver même dans les dernières années de sa vie. Mimi n’avait-elle pas encore, il y a quelques mois, pour les Amis de Freinet traduit un ouvrage d’Espéranto en Français ?
Pour nous, l’organisation et l’écriture de l’ouvrage Le mouvement Freinet au quotidien - des praticiens témoignent fut l’occasion de nombreuses rencontres où nous nous retrouvions, Mimi et Emile avec Paul et Jeannette Le Bohec et Pierre Yvin dans une atmosphère heureuse et fraternelle de travail et de réflexion, aussi parfois de doute quant à l’organisation qu’il convenait de faire pour que l’ouvrage soit le mieux organisé et le plus démonstratif possible. Ce qui fit écrire par Mimi, en sorte de dédicace sur la page de garde de l’exemplaire du livre, enfin imprimé, qui nous était destiné : « Enfin décontractée !!! » et Emile ajouta : « Merci de nous avoir poussés à terminer ce livre. ».
Travailleuse acharnée, il y a quelque temps encore, au téléphone, elle s’inquiétait de ne pouvoir faire davantage et envisageait encore les moyens de venir participer aux travaux dans les réunions.
Et ce n’est pas tout, Mimi, jusqu’à ces derniers temps aura participé aux activités du groupe audiovisuel Images et sons autrefois organisé et dirigé par Pierre Guérin dont Madeleine a pris la suite. (Les Idiotsvisuels s’amusait-elle à dire.).
On ne mesurera jamais assez l’implication de Mimi et d’Emile au sein de l’association des Amis de Freinet. Emile, dés la création de l’association puis en tant que président après le départ de René Daniel. Et Mimi, surtout, en tant que secrétaire assura la frappe du bulletin et son organisation et, à l’époque, on ne disposait pas des moyens informatiques d’aujourd’hui.
Après la mort d’Emile, Mimi se retrouvait avec, en dépôt, chez elle, un peu partout, dans son garage, dans son sous-sol, dans les chambres dans des armoires mais aussi sous les lits, toutes les archives sur Freinet rassemblées par les pionniers, de leur vivant, et notamment par Raymond Dufour. Il fallait trouver une solution de sauvegarde. Après des recherches infructueuses pour des dépôts en archives, notamment à Nice, nous avions pris contact près de la municipalité, à Mayenne, pour obtenir le prêt d’un lieu sûr. Après nos demandes réitérées, la mairie de Mayenne a mis à notre disposition de magnifiques salles dans lesquelles on pouvait mettre en valeur les richesses d’archives entreposées chez Mimi.
Mimi, toujours aussi généreuse, organisa dans sa grande maison l’accueil de tout un groupe de travail chargé de regrouper, de ranger dans des caisses les mètres cubes de l’ensemble des documents qui se trouvaient chez elle. Elle nous reçut, nous logea dans ses chambres, organisa notre séjour, nos repas dans sa grande salle à manger dans une atmosphère fraternelle. Restait qu’il fallait acheminer ces trésors vers nos nouveaux locaux de Mayenne. Mimi reçut les deux employés de la ville et leur camion que la municipalité de Mayenne, avait généreusement, à notre demande, mis à notre disposition pour le chargement, le transport, et la dépose à notre nouveau Centre de tout ce matériel particulièrement lourd et difficile à porter dans les escaliers chez Mimi et à Mayenne. C’est elle qui veilla à la bonne marche de cette opération importante. Nous mesurons que ce transfert du dépôt de Brest à Mayenne que Emile gérait avec elle depuis des années fut, pour elle, sans doute une étape quelque peu douloureuse mais nécessaire et que ses sentiments à propos de ce départ était à la fois un soulagement et une déchirure. Mais nous savions qu’elle le voulait, qu’elle nous l’avait demandé.
Nous retiendrons d’elle cette volonté inflexible par laquelle elle se dominait et qui faisait d’elle une personne qui ne s’en laissait pas conter.
Mimi, pour le temps qui nous reste à vivre, dont ta disparition nous force à penser qu’il sera court, tu nous as donné l’exemple de ton indomptable énergie pour la réalisation de tous les possibles que nous laisse l’âge, un exemple que nous nous efforcerons de suivre de notre mieux. Tu es à jamais inscrite dans nos mémoires comme une des figures qui aura été essentielle à la vie du mouvement Freinet et tu auras largement contribué à maintenir vivante la pensée de Freinet selon les termes mêmes de l’objet de l’association des Amis de Freinet dont tu as été une des fondatrices actives. Adieu Mimi, notre amie.
A ses enfants, petits-enfants, arrières-petits-enfants, à toute la famille dont elle nous si souvent parlé nous adressons toute notre sympathie. Nous partageons leur tristesse.
Guy et Renée Goupil, grgoupil@gmail.com